Respect des droits de l’homme, lutte contre les passeurs, promotion d’un discours «ouvert» sur l’immigration et sanctions contre les médias xénophobes : voici les principales propositions de ce texte de l’ONU, soutenu par la France mais contesté par les pays partisans d’une ligne ferme.
article d’ Edouard de Mareschal publié sur le site du figaro.fr, le 23 11 2018
Chaque jour, la liste des défections s’allonge ; En Europe, l’Autriche, la Hongrie et la Pologne (membres du groupe de Visegrad) ont déjà fait savoir qu’elles rejetaient le pacte mondial sur les migrations. La République tchèque leur a emboîté le pas, tandis que la Bulgarie et la Belgique envisagent de le faire. Ailleurs, Israël s’est déjà retiré, comme les Etats-Unis l’ont fait dès la fin 2017. Même la Suisse, qui a pourtant participé à la rédaction du texte et devait l’approuver sans problème, a fait volte face mercredi en indiquant qu’elle reportait finalement sa décision face à l’opposition de plusieurs commissions parlementaires helvètes.
Face à ce front d’oppositions, d’autres pays soutiennent le texte à l’image de la France, par la voix d’Emmanuel Macron. Devant la presse en Belgique, le président français a qualifié le pacte de «bon texte». «Il me semble que les solutions qu’il propose vont exactement dans le sens à la fois des valeurs de l’Europe, et des intérêts de l’Europe», a-t-il conclu.
Que contient vraiment ce pacte qui fracture une nouvelle fois les Etats européens et, au-delà, entre les partisans de l’ouverture et les tenants d’une politique de fermeté?
● Un texte non contraignant
Comme l’a souligné Emmanuel Macron à Bruxelles, le pacte mondial pour les migrations n’est pas juridiquement contraignant. Approuvé le 11 juillet dernier par l’Assemblée générale des Nations unies, le texte doit être adopté les 10 et 11 décembre prochains lors d’un sommet à Rabat. Structuré en 23 objectifs, il ne créé donc pas d‘obligations nouvelles, mais énonce des principes généraux censés permettre «des migrations sûres, ordonnées et régulières».
● Un texte centré sur les migrants… et la souveraineté nationale
Dans le préambule, la «dimension humaine, inhérente à l’expérience migratoire» est invoquée comme un principe directeur. Mais la souveraineté nationale est aussi abordée par une phrase sans équivoque: «Le pacte mondial réaffirme le droit souverain des États à déterminer leur politique nationale en matière d’immigration, et leur prérogative de régir l’immigration au sein de sa sphère de compétence nationale(…).» Le pacte précise de façon tout aussi explicite qu’il concerne uniquement les migrants et pas les réfugiés, qui bénéficient d’un régime juridique spécifique.
● Un texte vague avec peu de mesures concrètes
Chacun des 23 objectifs est formulé en des termes assez généraux, censés trouver leur traduction dans les faits par une série de «mesures concrètes». Mais celles-ci restent pour la plupart tout aussi vagues. Il s’agit par exemple de collecter des données «précises et décomposées» sur les flux migratoires (objectif 1), de «minimiser les facteurs structurels qui poussent les personnes à quitter leur pays d’origine» (objectif 2), limiter les abus contre les travailleurs migrants (objectif 6) ou encore «prévenir, combattre et éradiquer le trafic d’êtres humains» (objectif 10). Le texte prévoit encore de renforcer l’accès à l’information sur les options légales, à «tous les stades de la migration».
● Mais un texte au ton général contesté par les partisans d’une ligne ferme…
Moins que les mesures proposées, c’est l’esprit général du texte qui crispe ses opposants. Ils lui reprochent une présentation univoque de l’immigration, présentée comme un phénomène inéluctable et nécessairement bénéfique, tant pour les pays de départ que les pays d’accueil. «Le pacte mondial sur les migrations offre à la communauté internationale l’occasion d’abandonner les approches défensives, d’envisager un avenir commun dans lequel les migrations sont sûres, ordonnées et régulières», peut-on lire dans le texte publié par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) sur le sujet.
● … et une mesure particulièrement controversée visant la presse
Pour lutter contre le racisme, la xénophobie ou l’intolérance contre les migrants (objectif 17), le pacte emploie les grands moyens: il s’agit de «recadrer le discours sur la migration, pour qu’il cesse de véhiculer des idées trompeuses ou faussées et donne une image exacte de l’importance que revêt la migration et du rôle positif qu’elle peut jouer dans le monde actuel», peut-on lire dans le document explicatif de l’OIM.
La presse n’est pas épargnée ; Les Etats signataires sont invités à promouvoir «les reportages indépendants et objectifs», à «sensibiliser et éduquer les professionnels des médias» sur ces questions. Cela peut aller de directives sur la «terminologie» à employer, à la fixation de «standards éthiques» concernant les reportages… jusqu’à la coupure de fonds publics aux médias «qui font la promotion systématique de l’intolérance, de la xénophobie, du racisme et d’autres formes de discrimination envers les migrants».