Les documents exclusifs que La Vie a pu se procurer et que nous reproduisons ici constituent une rare source d’informations et d’enseignements. Leur lecture permet de retracer une partie du cheminement organisationnel de l’attaque à Saint-Étienne-du-Rouvray et de l’assassinat du Père Hamel, une semaine avant sa commission.
article par Philippe Cohen-Grillet publié sur le site lavie.fr , le 07 07 2021
Ces pièces ont été récupérées et reconstituées par le service policier antiterroriste de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), postérieurement à l’attentat, via l’exploitation des ordinateurs et des téléphones des deux djihadistes exécutants, ainsi que l’interception de certaines communications du commanditaire, Rachid Kassim, depuis la Syrie.
La cible ? Une église plutôt qu’une synagogue
Ces échanges montrent les hypothèses avancées, puis les décisions arrêtées pour le projet. Abdel-Malik Petitjean s’interroge sur le choix symbolique du lieu qui sera frappé. Il envisage un attentat contre une synagogue. Depuis la Syrie, Rachid Kassim l’en dissuade : « les juifs […] ont tendance à se servir de ça pour faire leur petite manipulation » (document 1).
C’est Adel Kermiche, l’auteur principal de l’attentat, qui définira le choix de la cible, suivant les conseils de Kassim. Le 19 juillet 2016, sur sa messagerie cryptée Telegram, Kermiche discute avec l’un de ses nombreux contacts. Ce dernier l’interroge : « Plutôt hijra ou attentat ? » Traduction : faut-il plutôt rejoindre les rangs de Daech pour combattre en Syrie (hijra) ou perpétrer un acte terroriste sur le sol français ? Le jeune djihadiste le pousse à cibler une église, détaillant le mode opératoire jusqu’à l’égorgement de fidèles (document 2).
Message d’allégeance
Afin que Daech puisse revendiquer l’attentat, ses auteurs doivent, au préalable, enregistrer un message d’allégeance au calife autoproclamé, Abou Bakr al-Baghdadi. Kassim explique à Petitjean comment procéder (document 3).
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Le lendemain, celui-ci s’exécute, mêlant dans son message des accusations contre l’Élysée, Jack Lang, Frédéric Mitterrand – une propagande qui lui a été dictée depuis la Syrie (document 4). Le jour même, Kassim accuse réception de l’enregistrement. Il indique avoir confié la vidéo à des gens qui assureront la médiatisation post-attentat et se délecte, par avance, de l’onde de choc provoquée en France, notamment sur les chaînes d’info en continu (document 5).