Au printemps, Marcus Rashford, joueur de Manchester United avait convaincu le gouvernement d’organiser jusqu’à la fin de l’été des distributions de petits-déjeuners aux enfants des familles les plus touchées par la crise économique. La semaine dernière, le Parlement a refusé de prolonger l’opération, mais sur les réseaux sociaux, le footballeur a appelé ses abonnés à se mobiliser eux-mêmes et les initiatives se multiplient. article par Marion Lagardère publié sur le site francetvinfo.fr , le 27 10 2020
À 22 ans, Marcus Rashford est déjà une star, fierté de Manchester United et de l’équipe d’Angleterre. Mais hors des terrains, il est aussi un citoyen engagé contre la précarité alimentaire, une situation qui touche un enfant sur cinq au Royaume-Uni. Et qu’il a lui-même subie.
« Je sais ce que c’est que d’avoir faim », écrit Marcus Rashford, « à 7 ans, je voyais déjà ma mère lutter pour boucler les fins de mois, en vain. » C’est avec ces mots qu’en juin dernier il a demandé au gouvernement que des repas soient distribués gratuitement, coûte que coûte, aux millions d’enfants dont les foyers ont basculé dans la pauvreté à cause de l’épidémie, du confinement et de la crise économique qu’il a entraînée. Première victoire : le gouvernement cède, et la distribution est organisée jusqu’en août.
Mais ce n’est pas suffisant pour le joueur, qui voit bien que la situation s’aggrave et que, depuis la rentrée, de plus en plus de familles font la queue devant les banques alimentaires. La semaine dernière, il a donc réitéré sa demande, pour maintenir les distributions jusqu’à Pâques, sauf que cette fois, les élus ont refusé. D’après les élus conservateurs, cela « rendrait les pauvres trop dépendants des aides de l’Etat. » Tollé sur les réseaux sociaux. Marcus Rashford appelle donc ses 3,7 millions d’abonnés au calme, à ne pas injurier les élus, et à être plus humain, en clair : à agir.
C’est une question d’humanité (…) ces enfants comptent, ils sont le futur de notre pays, tant qu’ils n’auront pas de voix, ils auront la mienne. Marcus Rashford, attaquant anglais « Lettre aux parlementaires britanniques »
Résultat : son fil Twitter s’est transformé en rubrique de petites annonces. Il publie tout ce qu’on lui envoie : ce restaurant qui offre des repas à Leicester, une épicerie à Dorset, une boulangerie à Nottingham, un hôtel à Sheffield. Mais aussi les initiatives des supporters, tous clubs confondus : ceux de Newcastle, Aston Villa, Leeds ont ouvert des cagnottes. Liverpool et Everton ont déjà reversé plus de 100 000 euros à la Banque alimentaire et Manchester va distribuer 5 000 petits-déjeuners cette semaine.
Lundi 26 octobre, les multinationales ont suivi le mouvement et affiché leur participation financière : Mc Donald’s, Nestlé, ou encore Aldi. Certains crieront à la récupération, mais Marcus Rashford s’en fiche. À 22 ans, il est en train de gagner le plus noble match de sa vie, où la solidarité joue contre l’indifférence.
2000 pédiatres écrivent au gouvernement complément d’info extraits d’un article du Guardian publié hier
Avec un nombre croissant de conseils et d’entreprises proposant ce week-end de fournir des repas gratuits, plus de 2000 pédiatres à travers le Royaume-Uni ont signé une lettre exprimant leur choc face à cette décision. Ils affirment que veiller à ce que les enfants aient suffisamment à manger est l’une des «responsabilités humaines les plus fondamentales».
La lettre, coordonnée par le Collège royal de pédiatrie et de santé infantile et consultée par l’ observateur , dit: «Chaque jour, nous constatons l’impact de la faim et de la malnutrition dans notre travail de pédiatres. Il n’est pas rare que nous prenions soin d’enfants qui n’ont pas assez à manger ou qui n’ont pas accès à un repas copieux en dehors de ce qui est offert à l’école.
«Nous appelons le gouvernement britannique à respecter les promesses des gouvernements gallois et écossais et de l’exécutif de l’Irlande du Nord, de continuer à fournir aux enfants issus de milieux à faible revenu des repas gratuits au cours des prochaines semaines, puis de prolonger cela au moins jusqu’à Pâques. vacances scolaires. »
La lettre loue Rashford comme une «source d’inspiration» pour sa campagne, qui a continué à attirer une vague de soutien la nuit dernière. Des centaines d’autres entreprises se sont inscrites pour aider à fournir des repas ce week-end et de nombreux conseils, y compris d’éminentes autorités dirigées par des conservateurs, ont accepté de financer des programmes locaux. Une pétition en ligne mise en place par Rashford compte désormais plus de 700 000 signatures, tandis que le parti travailliste envisage d’embarrasser le gouvernement en organisant un autre vote aux Communes sur la question.
L’intervention intervient au milieu de la frustration de nombreux députés conservateurs, qui veulent que la décision soit annulée avant les vacances de Noël. Un haut responsable a déclaré que les ministres commettaient une «erreur massive» en refusant de soutenir la campagne de Rashford. On estime que la campagne réussie de Rashford pour fournir des bons alimentaires pendant les vacances d’été a coûté 126 millions de livres sterling.
La préoccupation des experts en santé infantile accroît la pression sur les ministres. Le Dr Max Davie, responsable de l’amélioration de la santé au Collège royal de pédiatrie et de santé infantile, a déclaré: «Nous sommes un pays riche. Nous ne devrions pas avoir à nous battre pour des bons alimentaires lorsque nous sommes au milieu d’une pandémie. »
Robert Halfon, président conservateur du comité restreint de l’éducation, a appelé le gouvernement à repenser et à réviser l’approvisionnement alimentaire des enfants pauvres. «Le gouvernement doit régler ce problème», a-t-il déclaré. «Ils doivent s’asseoir avec des gens comme Marcus Rashford et son groupe de travail, qui a impliqué certaines des plus grandes entreprises alimentaires. Ils doivent définir un plan à long terme pour lutter contre la faim alimentaire chez les enfants, en envisageant non seulement de déployer temporairement des bons de repas scolaires gratuits à Noël pendant la pandémie de coronavirus, mais aussi de déployer des clubs de petit-déjeuner, d’introduire un programme d’activités de vacances et d’examiner [ le niveau de soutien au] crédit universel. »
Cependant, les ministres ont insisté sur le fait qu’il y avait une «meilleure façon» de traiter le problème de la faim chez les enfants. La baronne Barran, ministre de la société civile, a déclaré à l’émission BBC Radio 4 Today : «Le gouvernement a débloqué plus de 200 milliards de livres sterling pour protéger les revenus et les moyens de subsistance des gens. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec des organismes de bienfaisance qui exploitent des banques alimentaires partout au pays. Il existe différentes approches pour ce faire, mais nous avons utilisé tous les leviers possibles pour essayer de nous assurer que les gens sont en sécurité et en bonne santé à mesure que nous progressons.