Des femmes vendues sur Internet pour être exploitées comme “employées de maison” au Koweït, voilà ce que révèle l’enquête de BBC News Arabic. Une enquête à la suite de laquelle les autorités ont pris des mesures, mais les géants du numérique, eux, doivent encore prendre leurs responsabilités dans ce « marché d’esclaves en ligne »
Enquête initiale signé BBC Arabic, traduite et publiée par courrierinternational.com, le 03 11 2019
Si “vous roulez dans les rues du Koweït, vous ne verrez pas ces femmes”, explique BBC News Arabic. “Elles se trouvent derrière des portes closes, privées de leurs droits fondamentaux.” Mais, si vous “prenez un smartphone, vous pourrez faire défiler des milliers de leurs photos”. Dans l’incapacité de s’échapper, elles sont “disponibles à l’achat pour quelques milliers de dollars”.
La chaîne d’information diffusée au Moyen-Orient et en Afrique révèle dans une grande enquête, comment des femmes sont achetées et vendues illégalement sur Internet puis exploitées en tant qu’employées de maison au Koweït. “Un marché noir en plein essor” dans lequel une partie de la transaction est réalisée sur des applications tels qu’Instagram ou Haraj et via des hashtags spécifiques (“servantes à transférer”, “servantes à vendre”…)
Violation des droits humains
Infiltrés, les enquêteurs de la BBC ont découvert que sur Internet, “les vendeurs préconisaient presque tous de confisquer les passeports des femmes, de les enfermer dans la maison, de leur refuser tout congé et de leur donner peu ou pas d’accès à un téléphone”.
“L’exemple par excellence de l’esclavage moderne”, s’insurge Urmila Bhoola, rapporteuse spéciale des Nations unies, interrogée par la BBC. S’appuyant sur le cas de Fatou, 16 ans, Guinéenne vendue au Koweït, elle dénonce d’une part, la violation de la loi koweïtienne puisqu’une “enfant est vendue et échangée comme un bien”. Mais elle ajoute également qu’il s’agit d’une atteinte au droit humain international.
Les plateformes doivent rendre des comptes
Et ce “marché d’esclaves en ligne ne se limite pas qu’au Koweït”, déplore encore BBC News Arabic. En Arabie Saoudite aussi, des centaines de femmes sont vendues via les réseaux sociaux.
De fait, estime encore Urmila Bhoola, Google, Apple, Facebook ou les autres compagnies qui hébergent ces applications “doivent rendre des comptes”. Sans quoi, selon la rapporteuse des Nations unies, “elles promeuvent le marché d’esclaves en ligne”.
Après la publication de l’enquête le 31 octobre, les autorités koweïtiennes ont assuré avoir convoqué les propriétaires de plusieurs comptes sur les réseaux sociaux et leur avoir demandé de retirer leurs annonces. Instagram a également indiqué avoir supprimé plusieurs contenus.
Google et Apple, de leurs côtés, “ont déclaré qu’ils travaillaient avec les développeurs pour empêcher les activités illégales sur leurs plates-formes”, mais les deux sociétés continuent de proposer dans leur offre “4Sale”, l’application très populaire dans le cadre de ce marché noir.
source : BBC ARABIC