Une photographie extraordinaire, diffusée le 5 mars 1932 dans le monde entier, résume parfaitement ce paradoxe. Elle représente des photographes et des journalistes auxquels s’adresse un des leurs qui leur demande de quitter les lieux pour respecter le souhait du colonel Lindbergh. Cette image livre véritablement le degré zéro d’une information journalistique puisque, n’ayant rien à montrer et rien à dire, la presse se borne à montrer ses propres représentants réduits à faire l’événement par leur présence sur des lieux où ils sont indésirables. À de nombreuses reprises, notamment au moment du procès, de telles figurations d’un journalisme en déshérence d’information feront encore la une de bien des quotidiens.
Le discours médiatique est dès lors marqué tant par l’usage systématique des modalisateurs (« d’après certaines sources », « il semblerait que… ») que par celui des assertions contradictoires (« contrairement à ce que nous écrivions hier… »). Toute une rhétorique s’installe, qui reflète les tensions entre un savoir incertain et une publication qui ne peut être différée.