«Les tueurs sont revenus, eux ou d’autres, vivants ou morts…» par Philippe Lançon

Certains des policiers qui m’ont protégé ne me cachaient pas, au printemps, que de nouveaux attentats étaient inévitables et qu’il était à peu près impossible, vu leur nature, de les anticiper. On n’allait pas pouvoir surveiller tous les lieux publics –ce qui, au demeurant, ne servirait pas à grand-chose. On n’allait pas non plus se mettre à arrêter des gens qui n’avaient encore rien fait. C’est le problème avec les terroristes, surtout du genre kamikaze : ils savent se faire oublier et ne passent à l’acte qu’une fois. Avant, c’est trop tôt. Après, c’est trop tard. Puis tous les reporters de guerre savent que la kalachnikov est l’arme idéale du pauvre, facile à transporter, d’un excellent rapport qualité-prix  : coût minimum, dégât maximum. Comme un retour de flamme ou de conscience, voilà qu’elle déborde de ses champs de tir traditionnels – ceux qu’on préfère ici généralement oublier- pour ensanglanter le cœur d’une ville dont l’essence est d’être civilisée.