Instantanément, j’eus la sensation concrète d’être un fantômeet de marcher comme à côté de moi-même. Une sorte de brouillard gris m’environnait, un smog à l’éternité pesante et froide, quelque chose de sourd, de saturé et de renfermé. La vie, depuis quelque temps et difficilement, revenait à une espèce de normalité encadrée : je dormais toujours très mal, mais je préparais chaque matin mon café. Soudain, cette vie était de nouveau un rêve – comme dans la nuit du 7 janvier. Les tueurs étaient revenus, eux ou d’autres, vivants ou morts, ils étaient là et ils continuaient le boulot, comme je l’avais craint sans trop le dire depuis des mois. J’avais beau être de l’autre côté de l’Atlantique, ils me (et nous) collaient aux basques et à la conscience, tel le sparadrap du capitaine Haddock. Je venais d’être pris de nouveau pour cible à travers celles du 13 novembre. Il n’y avait de sécurité ni pour moi, ni pour personne. La réalité, c’était eux, les tueurs. Je regardais le ciel bleu finissant entre les gratte-ciel, les gens qui parlaient, buvaient, mangeaient dans les cafés : leur insouciance m’était interdite ; elle m’isolait. Depuis cet instant, les nouvelles que je lis m’informent sur les tueurs, les blessés et les morts ; elles m’informent aussi sur ce que je vis.
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