Au fur et à mesure que l’heure du premier service se rapprochait, une organisation à toute épreuve commençait à se mettre en marche. Ici, un bénévole disposait les tables, là, un autre faisait la vaisselle. Quant à moi, je rangeais des cartons de viande pour les mettre dans l’une des deux chambres froides, de cette grande tente. Il reste une bonne demi-heure avant de commencer à servir les premiers couverts. Ce fut le moment où Habiba, une petite dame à l’éblouissante énergie, arrive pour disposer les équipes selon les services : deux personnes au service des salades, deux autres pour le plat (pâtes, légumes et steak hâché), et deux autres personnes (dont votre serviteur) à la soupe… dont j’appris que c’était le service le plus « chaud ». Je n’ai pas duré longtemps, la soupe étant très chaude, il fallait être extrêmement réactif au service. C’est une « habituée » qui a pris ma place, sourire (narquois, j’en étais quasi-sûr) aux lèvres. J’ai été « mutée » au service des ustensiles en plastique et au pain, ce qui était moins risqué.
Un poème pour dire merci
Je n’ai même pas eu le temps de humer la senteur enivrante des plats succulents disposés tout autour de moi qu’il fallait se mettre en rang : les premières personnes arrivaient. Des visages si différents les uns des autres, je les scrutais un par un. « Bonjour, bon appétit, merci… » ces formules de politesse banales que j’enchaînais contredisaient l’émotion que j’avais dans mon rôle d’un soir : apporter ma pierre à un service qui vient directement en aide à l’autre. Malgré cela, je contenais mon émotion car il fallait faire vite. Passé le premier service, le deuxième arriva à une vitesse quelque peu déroutante. Nous prîmes quelques minutes pour rompre le jeûne ; au menu, dattes et lait caillé, nous faisant la promesse commune de manger plus conséquemment plus tard dans la nuit. Les jeûneurs démunis étaient notre priorité : nous servîmes des assiettes et des bols de soupes en rafale. En guise de remerciement, un homme est venu jusqu’à Noura, la bénévole qui m’accompagnait : « Je vous ai écrit un poème… ». Un poème écrit en couleurs et à la manière d’un enfant. Très touchant moment qui m’est resté. « C’est pour ce genre de petits instants que je viens ici, pour voir des visages différents, mais aussi me sentir utile », me confie Noura, qui m’ajoute aussi que « pendant le mois de Ramadan, il faut redoubler d’actions pieuses, qui sont encore plus récompensées ».