Services publics : la défenseure des droits s’inquiète d’une « dématérialisation excessive » des démarches

Dans son rapport annuel publié lundi 17 avril, Claire Hédon alerte sur les conséquences désastreuses de la « dématérialisation » des démarches pour les publics les plus vulnérables. Certains se retrouvent privés de leurs droits essentiels.
article par Agathe Mahuet publié sur le site franetvinfo.fr , le 18 04 2023

C’est le motif exprimé dans deux tiers des réclamations faites à la Défenseure des droits. Les citoyens français déplorent un accès aux services publics détérioré en raison d’une « dématérialisation excessive ». Dans son rapport annuel, publié lundi 17 avril, Claire Hédon souligne pourtant bien que les démarches par iInternet peuvent être vues comme une chance, quand cette option offre à chacun la souplesse de s’y atteler à toute heure du jour ou de la nuit. Mais quand elle signifie la fermeture totale des guichets de proximité, alors dématérialisation rime aussi avec déshumanisation.

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Des milliers de réclamations

L’autorité indépendante dirigée par Claire Hédon, chargée notamment de défendre les citoyens face à l’administration, a reçu en 2022 125 456 réclamations, soit 9% de plus que l’année précédente.

Le rapport de la Défenseure des droits cite l’exemple de la plateforme « MaPrimeRénov‘ » : 500 réclamations déposées depuis sa mise en place il y a trois ans, souvent à cause de gros problèmes techniques avec parfois des conséquences dramatiques. Comme cette vieille dame privée d’eau chaude et de chauffage en plein hiver, faute de pouvoir finaliser son dossier en ligne pour faire réparer sa chaudière en bénéficiant du dispositif.

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Les étrangers, premier public concerné

Celles et ceux qui rencontrent des difficultés d’accès au droit ont en commun leur vulnérabilité, conclut le rapport de Claire Hédon. Dans le monde de la petite enfance, comme celui de la vieillesse ainsi que l’ensemble des étrangers vivants en France. Ces derniers sont d’ailleurs le premier groupe concerné par les saisines auprès de la défenseure des droits.

Pour ces étrangers, la dématérialisation a un impact considérable, insiste Lise Faron, de l’association d’aide aux étrangers, la Cimade : « Quand une personne étrangère essaye de faire une demande de titre de séjour, c’est quasiment impossible de se rendre dans une préfecture sans avoir fait une démarche dématérialisée au préalable. Il y a certains cas où il va falloir prendre un rendez-vous sur Internet par un planning en ligne pour accéder à la préfecture. Puis, de plus en plus, il y a aussi des démarches qui sont vraiment complètement dématérialisées. Donc la personne va devoir scanner la totalité de son dossier ».

« Quand on parle d’un dossier pour une demande de titre de séjour, ça représente souvent des dizaines et des dizaines de pièces. On a des personnes qu’on accompagne qui vont assez souvent attendre jusqu’à deux années avant de réussir à déposer leur demande ». Lise Faron, association la Cimad

Le demandeur se trouve seul face à l’ordinateur, sans aide de la part du service public et se tourne alors vers le milieu associatif ou le Défenseur des Droits pour effectuer ces démarches, et décrocher un rendez-vous auprès des services de l’Etat. Ce qui fait dire d’ailleurs à Claire Hédon que son institution n’a pourtant pas vocation à devenir le « Doctolib » de l’accès aux préfectures.