Sadaf Khadem, la boxeuse iranienne qui se bat pour la cause des femmes

L’Iranienne Sadaf Khadem va devenir la première boxeuse de son pays à monter sur un ring officiel. Tout un symbole.

article signé Eric Bruna pour le site leparisien.fr, le 28 02 2019

Le 13 avril, de nombreuses femmes auront le regard tourné vers Royan (Charente-Maritime). Ce jour-là, Sadaf Khadem, 24 ans, va devenir la première Iranienne à disputer un combat de boxe officiel.

Combat. Un mot qui résume parfaitement la vie de Sadaf. « C’est un pas de plus vers l’émancipation des femmes de mon pays, à laquelle je suis très fière de participer, explique-t-elle. Cette initiative contribuera, je l’espère, à offrir de nouvelles opportunités à l’Iran. » L’idée vient de l’ancien boxeur Mahyar Monshipour, lui-même né à Téhéran.

« J’ai découvert Sadaf la dernière fois que je suis allé en Iran en mai 2017, raconte-t-il. J’avais entraîné quelques boxeurs dans les collines. Parmi eux, il y avait cinq ou six filles, dont elle. Évidemment, tout ça c’était en cachette car les femmes n’ont pas le droit de s’entraîner avec des hommes. Récemment, quand le CIO a sommé les pays de rendre mixtes toutes les disciplines sous peine d’exclusion des Jeux, je me suis rapproché de la Fédération iranienne en leur disant que c’était l’occasion rêvée de montrer patte blanche en permettant à une fille de venir boxer en France. »

Peine perdue. Le ministère des Sports a mis son veto. Qu’importe. Sadaf aime les défis. Qui pourrait croire que cette athlète longiligne était encore obèse il y a quelques années, passant de 95 à 68 kg ? Alors, Sadaf relèvera le gant. Le symbole est trop grand.

Monshipour, le garant

« Elle m’a dit bingo, on le fait quand même, j’assume à mes risques et périls », poursuit Monshipour. Cette habituée des réseaux sociaux — elle compte presque 17 000 abonné(e) s sur Instagram — a rendez-vous le 6 mars pour obtenir son visa de sortie. Monshipour s’est porté garant de la remettre dans l’avion du retour le 16 avril.

« Elle est parfois obligée de cacher ce qu’elle fait (NDLR : elle est officiellement prof de fitness pour femmes) et mène une double vie à Téhéran, souffle l’ex-champion du monde WBA des super-coq. Mais sa vie est là-bas. Je rentrerai avec elle (il a des opérations caritatives en Iran). Si elle devient une héroïne, tant mieux, si elle finit en garde à vue, je ne la laisserai pas tomber. Elle représente l’Iran, les femmes iraniennes et les femmes en général. J’ai les larmes aux yeux rien que d’en parler. Elle vit dans un pays où la charia (loi islamique) impose des règles, où le témoignage d’une femme vaut la moitié d’un homme, pareil pour l’héritage, où une femme n’a pas le droit d’être juge. Ma fille s’appelle Shirin en hommage à Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix en 2003. Elle a été la première et seule juge en Iran, révoquée en 1979 (avec la révolution islamique). Le combat de Sadaf, pour moi, c’est un peu tout ça… »

Sadaf Khadem espère que son exemple lancera un mouvement. « J’aimerais que 2 000 à 3 000 personnes viennent l’accueillir à son retour, sourit Monshipour. Les autorités ne peuvent plus trop bouger quand il y a une action populaire. Il y a une page sur Facebook où les femmes et les filles enlèvent leur voile en pleine rue(NDLR : elles sont uniquement autorisées à montrer leur visage, leurs mains et leurs pieds en public). Les gens klaxonnent ou les applaudissent. Parfois, elles sont tabassées, mais le plus souvent protégées. Ça évolue un peu… »