Introduction par Emmanuel Dupuy, Président de l’IPSE, Pierre Henry Président de France Fraternités
« La mort de George Floyd aux Etats-Unis a provoquée une immense vague de protestation et d’indignation qui a très largement dépassé le cadre de la légitime dénonciation des violences policières et du racisme qui sévit encore outre-Atlantique. Les chiffres sont hélas là pour témoigner de cette triste réalité : chaque année à peu près un millier de personnes sont tuées par la police américaine, dont 25% sont des hommes noirs. L’académie nationale des Sciences américaine (PNAS) nous indique que les hommes noirs ont ainsi 2,5 fois plus de chance que les blancs d’ère tués par la police !
Le débat nécessaire – qui se doit d’être apaisé quoique lucide – sur le sentiment d’appartenance de chacun d’entre nous à la Nation, qui aurait dû accompagner ce mouvement de protestation a, en France, pris la forme d’un certaine parallélisme avec la mort d’Adama Traoré, suite à son interpellation par la Gendarmerie nationale, à Beaumont-sur-oise, en juillet 2016.
Avec l’institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), nous avons voulu donner la parole à des acteurs engagés, reconnus et respectés pour le dynamisme de leurs actions de terrains, la densité et légitimité de leurs travaux universitaires, les responsabilités politiques qu’ils occupent, ainsi que les réflexions concrètes qu’ils mènent pour faire vivre la République, dans la diversité de ses citoyens et de ses territoires…
Ils sont huit et représentent une France, riche de sa diversité, résolument tournée vers son avenir – quoique consciente de son passé et de ses zones d’ombres – et surtout soucieuse de la nécessité de s’engager pour le bien commun et l’intérêt général de tous et de chacun… »
Troisième invité de notre débat, Jean Roger SIQUILINI est entrepreneur et Président de l’association « Alternative Libérale »
1) Le décès de George Floyd à Minneapolis lors d’une interpellation et l’immense vague de protestation et d’indignation qui s’en est suivi, aux Etats-Unis et un peu partout dans le monde s’est invité dans le débat politique en France, à l’aune de l’Affaire autour de la mort d’Adama Traoré en juillet 2016. Existe-t-il, selon vous, un lien entre les deux affaires ? Que cela révèlerait-il en France, comme aux Etats-Unis et ailleurs ?
Il faut différencier la problématique américaine de la française. L’agitation médiatique et le fait que cela concerne deux individus de couleurs ne suffit pas à faire le lien entre les deux, mais l’idéologie de confrontation entre noirs et blancs tente de la faire.
L’affaire Traoré est ancienne. Elle trouve un regain de vigueur de par la médiatisation de l’affaire Floyd. Des mouvements politisés ont profité de l’occasion pour répandre leurs idées.
Parmi celles-ci, il en est une dangereuse qui tend à monter les blancs contre les noirs comme des groupes homogènes amenés à s’affronter. De mon point de vue cela menace la République car avant d’être blanc ou noir nous sommes tous citoyens.
Et comme j’aime à le répéter : « Le concept de « Blanc » ou « Noir » n’existe pas (cf : « L’universalisme républicain » couramment appelé « pacte républicain » en France) La grande majorité des Français (d’aujourd’hui) ne pensent pas avec la pigmentation de la peau mais avec le concept de Nation. Un Français se sentira plus proche d’un créole des Antilles ou de l’Île de La Réunion à la peau noire que d’un Allemand, d’un Danois ou d’un Anglais à la peau blanche, parce que nous sommes compatriotes ! »
Cette division pernicieuse doit être combattue au sein même de l’Agora citoyenne.
2) A l’aune de la mort de George Floyd, et la question du racisme qui gangrène la société américaine, a été, ainsi, relancé le débat sur l’identité nationale et l’intégration républicaine, à l’aune d’une interrogation sur le racisme qui existerait au sein des institutions chargées du maintien de l’ordre en France (police, gendarmerie nationale). Au-delà, certains s’interrogent sur les méthodes d’interpellations utilisées par les forces de maintien de l’ordre. Comment rebâtir de la confiance entre forces de l’ordre et citoyens, notamment là, où les tensions sont les plus fortes, dans les banlieues ?
On ne peut occulter le problème du racisme au sein des forces de l’ordre. Oui ! Existent quelques brebis galeuses, j’y ai moi-même été confronté, à quelques reprises. Mais attention ! Il faut absolument faire preuve de discernement : il s’agit du racisme de quelques-uns au sein de l’institution. L’institution elle-même n’est pas raciste. Connaissez-vous une loi raciste envers les Noirs utilisée par la police ?
Je suis fondamentalement pour un retour à un protocole ferme et juste des procédures de contrôle et interpellation. On ne devrait pas pouvoir discuter un contrôle, ce que je me suis d’ailleurs jamais autorisé, mais cette fermeté du contrôle doit être soumise à l’exigence d’une police irréprochable dans son action. Autant la moindre incivilité doit être punie dans notre société qui en souffre, car aucun territoire ne doit être abandonné pour « la paix sociale », autant l’agent de police doit se montrer digne de sa fonction.
Pour ce faire, je propose l’enregistrement audio et vidéo accompagnant chaque agent de police et équipant les véhicules, dès les premiers instants du contrôle et tout ce qui peut suivre.
3) La légitime question sur « qu’est-ce qu’être français, aujourd’hui ? » semble ouvert par cette actualité brûlante. Il faut s’en réjouir. Néanmoins, nombreux sont ceux qui redoutent que ce débat – qui a toujours fécondé la République, à travers son histoire et ses bégaiements – ne « dérape » vers une approche plus militante d’un antiracisme qui se voudrait plus revendicatif dans sa volonté d’interroger, voire de se substituer au récit historique (esclavagisme, colonialisme, occidentalisme…). Comment appréhender sereinement et le plus ouvertement possible cette question ?
Cette question est-elle réellement légitime ? Qui interroge et qui doit répondre ?
Soyons clairs : Je ne refuse pas que cette question soit posée. Je suis démocrate et je pense que l’agora citoyenne ne tolère aucun tabou. Mais pourquoi est-elle posée ? Et surtout, par qui ? Ne tombons pas dans l’angélisme béat face à ceux qui n’attendent aucune réponse à cette question, ils ne souhaitent que la division.
Car il y en a parmi ceux qui la pose qui ne sont pas bien intentionnés.
4) Comment, dans ce contexte « explosif », faire émerger, néanmoins, un débat apaisé et dépassionné autour de la question des fractures sociales et sociétales, alors que ces dernières s’accompagnent d’une montée générale de la violence qui semble, désormais, orienter le débat public, dans les médias, sur le pavée et par le truchement d’internet et des réseaux sociaux ? En d’autres termes, comment retrouver le chemin, tous ensemble, de la République ?
Je vous prie d’excuser ma réponse abrupte : avant de pouvoir faire émerger un débat apaisé il faudrait d’abord que la république retrouve son rôle régalien ! Actuellement c’est en passe de devenir l’attribut de différents communautarismes ! Les rixes de Dijon se sont réglées par l’intervention en médiation de la mosquée…
Commençons par stopper les déboulonnages sauvages des statues et ensuite nous pourrons organiser un débat et non pas l’inverse. La République ne saurait subir la volonté de groupes d’agitateurs ! La République décidera où, quand et comment le débat doit avoir lieu une fois que les exactions auront cessées.
Pour conclure : il faut que le citoyen, dès le plus jeune âge, puisse s’identifier en tant que tel et se reconnaître dans la République. L’égalité qui orne nos frontons, c’est l’égalité en droit : chaque citoyen mérite un traitement juste, peu importe sa couleur de peau.
Jean Roger Siquilini