Rachid Benzine : « L’urgence n’est pas d’expurger le Coran mais d’en faire une lecture critique »

Mais pour l’immense majorité des musulmans, « le Coran est applicable en tous lieux et à toutes les époques ». Comment en sortir ?R. B. : Il est applicable à toutes les époques mais pas avec la même lecture ! Quinze siècles se sont écoulés entre sa mise par écrit et la période à laquelle nous vivons. Le propre des grands textes est de s’enrichir sans cesse de nouvelles lectures, selon les lieux et les époques auxquels on les lit. Chaque époque construit sa manière de croire : nous devons être conscients que les Arabes du VIIe siècle ne croyaient pas comme nous, sinon, nous risquons de substituer nos problématiques actuelles aux leurs. Le féminisme pas plus que la liberté religieuse ne sont des problématiques du VIIe siècle…Il ne faut pas jamais oublier qu’un discours est toujours situé. Croire que le sens est immédiat crée une idolâtrie vis-à-vis du texte, et donc des projections idéologiques. Un texte ne parle jamais de lui-même : lui donner du sens relève de la responsabilité du sujet-lecteur. Aujourd’hui, on en voit convoquer le Coran soit pour lui faire dire que « l’islam, c’est la paix », d’autres pour affirmer que « l’islam c’est la violence ». Chaque camp sort ses versets pour soutenir ses dires… Ces deux lectures ne disent rien du texte lui-même mais tout de leurs auteurs.