Députés, entrepreneurs, militants associatifs… Des membres de Pluriel, mouvement citoyen qui fait des propositions sur l’égalité des chances et la mobilité sociale, signent une tribune pour une France diverse mais unie. tribune publiée sur le site lejdd.fr, le 26 02 2022
Tribune. La France se conjugue au pluriel. Variété de ses paysages, de sa culture, mais aussi des parcours et des origines. C’est riche de cette diversité que notre pays continue de s’adresser au monde et de rayonner bien au-delà de ses frontières naturelles. Riche surtout de ces principes universels qui fondent notre République, la liberté et l’égalité bien sûr, mais aussi la fraternité et ce trésor national qu’est la laïcité.
Divers mais unis, voici l’un des traits majeurs de notre modèle national. Or, celui-ci est menacé. L’égalité reste trop souvent formelle tant nos concitoyens subissent le poids des discriminations. Notre unité nationale est fragilisée. Des discours de haine envahissent l’espace public et prônent le retour à une France fantasmée qui récuse la complexité des histoires et des parcours dont elle est cousue ; la France telle qu’elle est, en réalité.
L’égalité reste trop souvent formelle tant nos concitoyens subissent le poids des discriminations
Dans 50 jours, les Français voteront pour choisir leur destin. Soyons honnêtes : le débat n’est pas à la hauteur. A gauche, des candidats se succèdent pour égrener leurs querelles internes devant les électeurs. A droite, les Français assistent ébahis à la radicalisation d’une droite jadis républicaine, qui reprend mot à mot les thèses de l’extrême droite.
Et les Français dans tout ça ? Majoritairement, ils attendent des débats politiques qu’ils reflètent enfin le meilleur de notre pays. Ils attendent écoute, respect et considération. L’écoute de leurs angoisses du quotidien, mais aussi de leurs espoirs pour demain. Le respect de leurs différences, qui forment pour notre pays une force créative insoupçonnée aux plans économique, social ou culturel. Considération aussi, par des propositions concrètes qui amélioreront vraiment leur quotidien et donnent à chacun la chance de choisir sa vie. En voici cinq.
Malgré une croissance économique record en 2021, les inégalités territoriales continuent de lézarder le pacte républicain. Les quartiers prioritaires n’ont pourtant pas attendu l’Etat pour entreprendre et réussir. Dans les 1 514 quartiers prioritaires de la ville (QPV), le taux de création d’entreprises est plus élevé en moyenne que dans le reste de la France ! Mais les entrepreneurs qui en sont issus éprouvent toujours autant de difficultés à obtenir un crédit bancaire pour développer leur activité. Il faut mettre en place un système simple et lisible de prêts à taux zéro, alloués par Bpifrance allant jusqu’à 10 000 euros. Nous proposons de financer dans les QPV chaque année 5 000 projets sélectionnés sur leur caractère innovant ou solidaire, soit un investissement de 250 millions d’euros sur le prochain quinquennat
Comment s’émanciper si la mobilité, sociale ou géographique, est entravée ?
Réussir, c’est d’abord s’émanciper. Et comment s’émanciper si la mobilité, sociale ou géographique, est entravée ? Aujourd’hui, le permis de conduire, encore souvent nécessaire pour travailler et entreprendre, représente en moyenne un coût de 1 800 euros, presque 1,5 Smic. C’est une somme astronomique pour des jeunes ou moins jeunes issus de milieux modestes, parfois prohibitif jusqu’à entraver leurs opportunités. Des aides existent mais sont trop dispersées et incomplètes. Nous proposons donc d’aller plus loin en créant un service public du permis de conduire et en rendant son accès gratuit aux personnes issues de milieux modestes. Au début, ce sera un investissement pour l’Etat, mais qui libèrera l’énergie et l’initiative dans tous nos territoires, urbains comme ruraux.
Le quinquennat qui s’achève a permis une baisse significative du chômage. Pourtant, l’emploi demeure encore pour trop de Français un lieu d’inégalités. C’est pourquoi, dans le prolongement de l’expérimentation menée par le gouvernement, nous proposons la mise en place dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés d’un indice des politiques de la parité et de la diversité en entreprise, pour donner une chance à chacun dans l’entreprise, quelle que soit son origine, son orientation sexuelle, son handicap ou sa couleur de peau. Un exemple aujourd’hui, à CV équivalent, un candidat d’origine maghrébine doit envoyer 4 fois plus de candidatures pour obtenir un entretien. Les grandes entreprises ont une responsabilité : elles ont bénéficié d’aides massives de l’Etat durant la crise. Elles doivent transformer leurs méthodes et devenir plus inclusives. Nous proposons de réserver une partie des allégements fiscaux à celles qui se montreront les plus vertueuses.
La bataille de l’ouverture sociale doit être menée et s’imposer aux grandes écoles
S’émanciper, réussir, mais aussi se former. La bataille de l’ouverture sociale doit être menée et s’imposer aux grandes écoles. 15 % d’étudiants boursiers à HEC ou 11 % à Polytechnique ne sont pas des taux acceptables au regard de l’objectif fixé par les pouvoirs publics dès 2010 de 30 % d’étudiants boursiers dans les grandes écoles. Ces inégalités sociales et territoriales marquent durablement le parcours des diplômés, les grandes entreprises recrutant d’abord à la sortie des grandes écoles. En imposant l’exonération totale des frais d’inscription pour les boursiers, en multipliant les voies d’accès et bonifications spécifiques aux concours d’entrée, en développant les programmes « talents » pour lever l’autocensure dès le lycée, nous lèverons ces freins.
Enfin, la République s’incarne au quotidien. Chaque jour, à la télévision, au cinéma, trop de nos concitoyens perçoivent de notre société une image qui les exclut ou les assigne à résidence. Nous devons avoir le courage et la lucidité de lever ce tabou. Le cinéma porte un récit de société et nous tend un miroir. Ce miroir est déformant : 62 % des personnages principaux des films français sont joués par des hommes, 81 % sont perçus comme « blancs ». Représenter à l’écran la pluralité des vies des Français suppose d’y briser tous les préjugés ethniques et sociaux. Par ses missions, le Centre national du cinéma peut et doit y contribuer, en renforçant le fonds pour l’image de la diversité, mais surtout en fixant un quota de financement alloué aux films qui osent casser les stéréotypes de genre ou ethniques.
La République doit tenir sa promesse d’égalité pour tous et d’émancipation pour chacun. Nous, au pluriel, y veillerons pour en être dignes.
Les signataires
Karim Amellal, écrivain et enseignant, fondateur de Pluriel
Laetita Avia, députée de Paris
Kenza Balaouane, cadre du secteur privé
Hayzia Bellem, présidente de la commission internationale féminine de MMA
Mounir Belhamiti, ingénieur et élu local à Nantes
Kolia Benié, élue locale
Amine Benyamina, professeur de médecine, président de l’association française d’addictologie
Neila Benzina, cheffe d’entreprise
Brandy Boloko, responsable associatif
Benjamin Bonnell, PDG Expand in Africa
Mourad Boudjellal, chef d’entreprise
Diana Brondel, cheffe d’entreprise
Pascal Chamassian, responsable Amnésie Internationale
Sadia Diawara, producteur et réalisateur
Adil Farquane, journaliste
Mehdi Gana, cadre du secteur privé
Franck Gbaguidi, spécialiste de politiques environnementales
Pierre Henry, président de France Fraternités, porte-parole de Pluriel
Bariza Khiari, vice-présidente d’Aliph
Amelia Lakrafi, députée des Français de l’étranger
Olivier Laouchez, PDG de Trace TV
Fiona Lazaar, députée du Val d’Oise
Lila Lokmane, cheffe d’entreprise
Brigitte Martinez, responsable associatif
Jean-Pierre Mignard, avocat
Douglas Mbandou responsable associatif
Issam Moussly, chef d’entreprise
Nadir Oulain, réalisateur, producteur
Sarah Pellerin, fonctionnaire, porte-parole de Pluriel
Pierre-Alain Raphan, député de l’Essonne
Lova Rinel, chercheur, porte-parole de Pluriel
Ileana Santos, responsable associatif, coordinatrice de Pluriel
Claudie Siar, animateur radio et producteur
Fodé Sylla, ancien président de SOS racisme
Christelle Yambayisa, mannequin
Marc Wlusczka médecin de santé publique
Christelle Yambayisa, mannequin
Nadir Youlain, producteur