Maternité : « Ensemble dans le même bateau… » Des colocations solidaires pour les femmes enceintes isolées

A Nantes et dans d’autres villes de France, les colocations de l’association Marthe et Marie accueillent et accompagnent de futures ou jeunes mamans en difficultés  

Article par Julie Urbach, publié sur le site 20minutes.fr , le 19 04 2023

  • Dans plusieurs villes de France comme à Nantes, des colocations solidaires hébergent jeunes professionnelles et futures mamans en difficulté.
  • L’association Marthe et Marie, à l’origine de ce projet de colocations , continue son développement, comme récemment à Courbevoie et dans quelques mois à Marseille.

Sur le mur blanc du couloir, une longue frise imprimée a été scotchée. Dessus, des dizaines de portraits de jeunes femmes et de leurs bébés, dont tous ont un point commun : avoir passé au moins les premières semaines de leur vie ici.Nantes, une drôle de colocation, avec des lits à barreaux dans la plupart des huit chambres et un très grand espace buanderie, a ouvert ses portes il y a maintenant huit ans. Destiné aux femmes enceintes majeures et isolées, ce grand appartement en plein centre-ville les accueille jusqu’aux douze mois de leur premier enfant. « Ici, c’est une prise en charge globale, ce n’est pas que de l’administratif, prévient Guénaelle Beauvois, responsable de l’antenne de Nantes. Elles vivent ensemble un peu comme des sœurs, avec la liberté de s’entraider et de créer des liens d’amitié. »

Lancée par une sage-femme chagrinée de voir « la grande solitude qui entoure beaucoup trop de mamans », l’association Marthe et Marie dispose de sept appartements ou maisons similaires en France. Face à la « forte demande » et malgré une polémique portée il y a quelques années par les groupes d’opposition de la région Ile-de-France, accusant l’association de s’opposer à l’IVG, une nouvelle colocation vient d’ouvrir à Courbevoie (Hauts-de-Seine). Une autre sera inaugurée dans quelques mois à Marseille. En moyenne, les résidentes séjournent ici dix mois. « On veille à les accompagner dans la maternité, dans leurs démarches mais aussi du point de vue personnel, afin de cicatriser les blessures et de se reconstruire, poursuit Guénaelle Beauvois. La maternité, le lien avec son enfant, ce n’est pas forcément toujours très évident. C’est d’autant plus difficile d’avoir confiance pour deux quand on est toute seule. »

« Un bien fou »

Grossesse non désirée, violences exercées par le conjoint, précarité, famille restée à l’étranger… Les vécus des femmes accueillies sont divers, mais toutes ont traversé des situations difficiles sans avoir grand monde autour d’elles vers qui se tourner. « Je n’étais plus avec le papa qui m’a lâché à l’annonce de la grossesse, raconte Romane, 23 ans, assise sur le canapé du grand salon nantais. Chez mes parents, ce n’était pas tout rose non plus. Ils étaient en train de se séparer, et ne se préoccupaient pas du tout de moi. Je ne me voyais pas élever un bébé dans ce climat, j’avais besoin d’avancer. » Quand elle pose ses valises dans la colocation, pour un loyer mensuel de 320 euros par mois, son fils Lyvann a à peine trois mois. Au contact d’autres bébés, le petit garçon « s’éveille ». Sa mère, elle, peut enfin souffler. « Rien que de voir du monde, autre que ma sage-femme, ça m’a fait un bien fou, se rappelle celle qui envisage prochainement de reprendre ses études. Avec les autres mamans, on est ensemble dans le même bateau. »

Mais pour que l’expérience fonctionne, les résidentes sont également au contact de plusieurs jeunes professionnelles, qui habitent elles aussi sur place. Claire, une sage-femme de 24 ans, a choisi de partager le quotidien des quatre jeunes mères de la colocation nantaise, qui bénéficie du soutien de nombreux partenaires dont le diocèse ou la maison Lazare, et est en lien avec les services sociaux. « On fait les courses ensemble, on se balade, on s’écoute, raconte celle qui ne se voyait elle non plus pas vivre seule. Quand l’une part à la maternité et revient avec son bébé, c’est magique ! J’adore voir les petits loups grandir, il m’arrive aussi de m’en occuper et de sortir en poussette pendant que la maman se repose un peu. »

A Nantes, l’association recherche d’ailleurs de nouvelles volontaires. Quant aux jeunes mères, la demande est malheureusement souvent supérieure au nombre de places disponibles. Au total, en douze ans, quelque 150 bébés sont nés dans ces colocations.