La crise due au coronavirus fait croître leurs dépenses et diminuer dangereusement les stocks de nourriture et le nombre de bénévoles.
article par Isabelle Rey-Lefebvre publié sur le site lemonde.fr, le 6 09 2020
L’engagement des salariés d’associations humanitaires comme de leurs bénévoles a peut-être approché ses limites dans cette crise inédite. « On s’est donné beaucoup de mal pour continuer les distributions de vivres, en se déplaçant chez les gens, en les livrant par la fenêtre par précaution sanitaire, raconte Sylvie Feige, responsable départementale des Restos du cœur dans le Territoire de Belfort. On espérait que cela ne durerait que quelques mois et nous sentons, aujourd’hui, une petite lassitude chez les bénévoles, récents ou anciens. Certains ne viennent plus et c’est à nous de les remobiliser. »
Au Samusocial à Lyon, Maud Bigot la directrice affirme de son côté que « le Covid [nous] a vraiment compliqué la tâche, nous ne pouvons plus distribuer les repas sur tables que nous proposions pour l’accueil de jour, et nos bénévoles les plus âgés se font rares. Ils évitent, par précaution, les contacts extérieurs ».
Le centre des Restos du cœur de Perrache, dans le 2e arrondissement de Lyon, sert chaque semaine 200 familles en paniers d’alimentation. Avant la crise, il pouvait compter sur une soixantaine de bénévoles : ils ne sont plus que vingt aujourd’hui. « Beaucoup, parmi les volontaires âgés, n’ont pas réapparu depuis le déconfinement, témoigne Michel Paillasson, 72 ans, son responsable. Et les jeunes qui nous aidaient le mardi soir pour la distribution ne sont pas revenus depuis la rentrée. »
« Nos militants âgés ne reviennent pas. Ils ont peut-être découvert qu’il y avait une vie ailleurs que dans nos permanences de consommateurs, suggère Jean-Yves Mano, président de l’association Consommation, logement, cadre de vie.
Les bras manquent, les stocks à distribuer s’épuisent, l’argent ne rentre plus… « Si nous ne pouvons pas organiser notre collecte de denrées alimentaires dans les grandes surfaces, fin novembre nous serons en difficulté », s’alarme Laurence Champier, directrice générale de la Banque alimentaire.
Selon un bénévole des Restos du cœur lyonnais, les supermarchés bradent désormais, pour leur clientèle, les produits périssables aux dates limites de vente : « Ils nous donnent donc de moins en moins. Nous n’avons, par exemple, presque plus de viande ou de charcuterie. »
Lire aussi l’éditorial du Monde : Aider les nouveaux pauvres du Covid-19 « D’ici à la fin de l’année, 1 million de personnes auront rejoint la cohorte des 9,3 millions de personnes vivant déjà au-dessous du seuil de pauvreté. Ce constat exige des réponses politiques spécifiques d’urgence. »
Dépenses en hausse, recettes en baisse
Les établissements médicaux et sociaux, centres d’hébergement, foyers de jeunes, établissements pour personnes âgées ou handicapées sont confrontés à un double défi : des dépenses en hausse, pour se doter d’équipements sanitaires et payer les heures supplémentaires ou les remplacements des personnels malades ou en quarantaine, et des recettes en baisse, faute de résidents.
« Notre enquête auprès de 1 700 associations gestionnaires fait ressortir que les surcoûts atteignent 27 millions d’euros, indique Jérôme Voiturier, directeur général de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss), qui les fédère. Si l’on extrapole ce chiffre aux 35 000 associations de ce type, ce sont 400 millions d’euros qui font défaut. Soit quatre fois plus que l’aide du gouvernement inscrite dans le plan de relance. »