Le soulagement des derniers tirailleurs sénégalais qui pourront retrouver leurs proches

Une quarantaine de tirailleurs sénégalais  âgés de plus de 90 ans ont été recensés par l’Office des anciens combattants. Le ministère des Solidarités confirme à franceinfo qu’une « vingtaine de dossiers » a été validée pour l’heure.
Article par Boris Loumagne publié sur le site francetvinfo.fr , le 4 01 2023

Ils viennent de remporter une dernière bataille. D’anciens tirailleurs sénégalais, des soldats recrutés par l’armée française, vont pouvoir rentrer définitivement dans leur pays d’origine, tout en continuant à percevoir leur minimum vieillesse, après une décision du gouvernement français . Une « vingtaine de dossiers » ont d’ores et déjà été validés « à ce stade« , confirme à franceinfo le ministère des Solidarités. Parmi ces anciens tirailleurs, la plupart sont nés au Sénégal, d’autres ont la nationalité mauritanienne ou malienne.

L’Office national des anciens combattants recense une quarantaine de tirailleurs sénégalais encore en vie. Ces vétérans, qui ont tous aujourd’hui plus de 90 ans, ont été arrachés à leur pays pour combattre essentiellement en Indochine et en Algérie. Ces anciens combattants, tous binationaux, demandaient de pouvoir rentrer vivre au Sénégal tout en continuant à toucher leurs prestations sociales. Après des années de bataille administrative, le gouvernement accède donc en partie à leur requête.

« C’est très bien, c’est un plaisir », se réjouit Gorgui M’Bodji. Car comme ses camarades, cet ancien combattant de 91 ans, est obligé de vivre au six mois par an en France pour continuer à toucher le minimum vieillesse. Six mois loin de sa famille au Sénégal. C’est à elle qu’il a pensé quand il a appris qu’il allait pouvoir bénéficier d’une « mesure de tolérance« , une dérogation lui permettant de rentrer définitivement au Sénégal, tout en touchant ses 900 euros par mois. « Ma femme sera heureuse parce que pour l’instant, je suis là et je ne peux pas la voir. Je suis là et je ne peux pas voir les enfants. J’ai tout fait pour obtenir un logement, mais je n’ai pas réussi. Elle ne peut pas venir. »

« On meurt de misère morale »

Quand il est en France, Gorgui vit dans une petite chambre de ce foyer de Bondy (Seine-Saint-Denis), entouré seulement de ses anciens frères d’armes. Une vie bien terne. « Vous sortez, vous allez où ? Et vous voyez qui ? On meurt de misère morale« , dénonce Yoro Diao. Lui aussi est un ancien tirailleur : il a fait l’Indochine et l’Algérie. Fier de son

Yoro Diao, un ancien tirailleur sénégalais, en janvier 2023. (Boris Loumagne / Radio France)

passé de combattant, il porte une veste ornée d’une dizaine de médailles. « C’est la Légion d’honneur, ça, c’est la médaille militaire française … Voici mes décorations, voici mes valeurs. J’ai servi l’armée française avec cœur. »

Mais malgré son patriotisme, Yoro lui aussi veut retrouver sa famille au Sénégal. La dérogation est donc un soulagement pour cet homme de 91 ans. « Ça va rallonger nos vies et il y aura beaucoup de centenaires parmi nous parce qu’on aura une satisfaction morale. Et on parlera souvent de la France pour nous rappeler des souvenirs, des camarades disparus. »

« Ils ont besoin juste d’être auprès de leurs familles et de terminer leurs jours dignement dans les différents pays d’origine. » Aïssata Seck

Lire aussi :  En l’état actuel, seul le minimum vieillesse de 950 euros est concerné par cette « mesure de tolérance »

Finis donc les allers-retours entre la France et le Sénégal. Une bonne nouvelle aussi pour l’association pour la mémoire

Aïssata Seck, présidente de l’association pour la mémoire des tirailleurs sénégalais et Yoro Diao, un ancien combattant, en janvier 2023. (Boris Loumagne / Radio France)

des tirailleurs sénégalais qui porte ce dossier depuis des années mais qui regrette tout de même que l’Etat ait pris autant de temps avant d’accorder cette « mesure de tolérance« . Aïssata Seck, présidente de l’association « pense que c’est peu cher payé par rapport aux combats qu’ils ont pu mener pour la République« .

Elle souligne qu’ils « ne sont pas nombreux à être encore sur le territoire français ». Puis conclut : « Aujourd’hui, on doit les laisser terminer leur vie de manière très tranquille et très sereine. Sans regrets, on doit les laisser rentrer chez eux. »