Tribune. « Le privilège blanc, cette ineptie dangereuse » par Corinne Narassiguin

Le débat sur le privilège blanc en est l’exemple flagrant. Le privilège blanc est une traduction directe du « white privilege » américain. Ce concept né des sciences sociales aux Etats-Unis est devenu un instrument de lutte antiraciste pendant les mouvements pour les droits civiques dans les années 1950 et 1960, contre la ségrégation raciale, racisme d’Etat. Etre Blanc était donc un privilège institutionnel, conférant des droits exclusifs. Le white privilege est ainsi resté dans le langage courant de la lutte antiraciste aux Etats-Unis, d’autant que le concept de « white supremacy » reste revendiqué par des organisations ayant pignon sur rue, jusqu’à la Maison Blanche de Trump.

Un non-sens historique

En France, la lutte contre les privilèges est entendue comme une lutte contre des inégalités d’ordre patrimonial, économique et social. C’est l’héritage de la Révolution française. Importer en France l’expression « privilège blanc », c’est vouloir plaquer l’histoire des Etats-Unis sur l’histoire de France, sans respecter ni l’une ni l’autre. C’est fabriquer un non-sens historique. Dans le contexte français, parler d’abolir le privilège blanc, c’est donner à croire que la lutte antiraciste serait un combat contre le statut de Blanc. Si ça n’était qu’inepte, ça ne mériterait pas une tribune. Mais c’est bien plus que cela, c’est grave et dangereux.