Rationalité rassurante
Un Français sur cinq qui doute encore de la véracité des faits entourant l’attentat de Charlie Hebdo, trois ans après les faits, c’est beaucoup. Il faut ici cependant différencier les «dubitationnistes» (les 19 %) des «complotistes» au sens fort (les 3%), et observer ces chiffres à la lumière de ceux d’un autre sondage, effectué, lui, en 2015. Ils donnaient des chiffres quasiment identiques. La preuve, selon Rudy Reichstadt, membre de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès et fondateur du site Conspiracy Watch (il s’agit d’un observatoire du conspirationnisme et des théories du complot), que la théorie complotiste entourant Charlie Hebdo, «a échoué». Et ce, y compris chez les «complotistes endurcis», c’est-à-dire ceux qui adhèrent à un certain nombre d’autres théories complotistes répandues (l’Ifop en a listé onze, liées au 11-Septembre, à l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy ou au réchauffement climatique, par exemple), qui sont «majoritairement attachés, à 53 %, à la version officielle des faits entourant Charlie Hebdo», dit Rudy Reichstadt.
On s’en souvient, le 7 janvier 2015 avait vu émerger un nombre incalculable de «théories» mettant en doute les informations relayées par la police et les médias pour relater l’attaque de la rédaction de l’hebdomadaire satirique. Le phénomène du complotisme n’avait alors rien de nouveau en France, on l’avait déjà vu à plusieurs reprises, au moins à chaque fois qu’est survenu un événement assez traumatisant et incertain au cours de l’ère moderne. Dans une certaine mesure, ces thèses émergent pour permettre à certains de retrouver un cadre structurant et apaisant devant un fait pour lequel ils n’ont pas toutes les clefs de compréhension, analysent les spécialistes. Une sorte de rationalité rassurante, en somme, davantage qu’un folklore permettant de se sentir plus intelligent que d’autres, englués dans l’ignorance.