Face aux réactions hostiles à des projets d’accueil de migrants, élus et associations demandent plus de soutien de l’Etat

La contestation de projets d’accueil de migrants sur le territoire prend des proportions qui inquiètent acteurs associatifs et élus locaux. Ils souhaiteraient que l’Etat se montre davantage à leurs côtés.

Article par  Julia Pascual publié sur le site lemonde.fr , le 07 04 2023

Depuis plusieurs mois, les tensions s’exacerbent autour de projets d’accueil de migrants sur le territoire, dénoncés par l’extrême droite. Elus et associations s’en inquiètent. « Je n’ai pas vu un message de soutien du ministre de l’intérieur au maire de Saint-Brévin », dénonce Damien Carême (Europe Ecologie-Les Verts), député européen et coprésident de l’Association nationale des villes et territoires accueillants. La maison de l’élu de Loire-Atlantique a été la cible, dans la nuit du 21 au 22 mars, d’un incendie volontaire (dont la photo illustre cet article) . Depuis plusieurs semaines, l’extrême droite organisait dans la commune des rassemblements hostiles au déménagement d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA). « Il faut une parole pour ces élus locaux qui s’engagent au nom des besoins de l’Etat », poursuit M. Carême.

La plupart des projets contestés relèvent de marchés publics, dans le cadre du parc d’hébergement des demandeurs d’asile. « L’Etat doit prendre la pleine mesure de la multiplication des actes d’intimidation », défend à son tour Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe plus de 870 associations de lutte contre l’exclusion, parmi lesquelles des opérateurs de CADA.

Directrice générale adjointe de l’association Viltaïs, qui gère notamment des CADA, Juliette Lucot considère que les projets d’implantation doivent être « plus travaillés en amont, pour qu’ils ne soient pas vécus de façon frontale. Et on ne peut plus laisser les opérateurs aller seuls au front. » Plusieurs des projets d’accueil de migrants de Viltaïs sont aujourd’hui contestés, comme à Beyssenac, en Corrèze.

« Passage en force »

Une réunion publique s’y est tenue le 16 mars à l’initiative du préfet du département : « Il a reconnu qu’il aurait dû organiser cette réunion en amont », rapporte Mme Lucot. Le maire de la commune, Francis Comby (Les Républicains), continue d’être réfractaire au projet. « C’est un passage en force, sans concertation des acteurs locaux. » L’élu vit d’autant plus mal la situation qu’il a porté plainte après avoir fait l’objet de menaces de mort par courriel. « Je lis dans la presse qu’un maire a vu sa maison incendiée, je ne sais pas ce qui va se passer », dit-il.

Le maire de Callac (Côtes-d’Armor), Jean-Yves Rolland, vit comme un « échec » d’avoir abandonné, en janvier, un projet d’accueil de réfugiés, face à une « campagne d’intimidation de l’extrême droite ». Chloé Freoa, la directrice de Merci, le fonds qui portait ce projet, analyse : « On était novice mais on sait aujourd’hui qu’il y a des enjeux de communication énormes autour de ces projets. » Elle a, en outre, « l’impression que la préfecture n’a pas pris la mesure de la situation ». « Entre avril [2022] et janvier, relate-t-elle, il y a eu seize plaintes déposées par des élus. On parle de menace de mort, d’appel au viol, d’injures, de dégradation de bien public… »

Au ministère de l’intérieur, on reconnaît le « besoin d’explication et de transparence de la part des porteurs de projet et des représentants de l’Etat », tout en souhaitant privilégier la discrétion. Un cadre de la Place Beauvau défend ainsi la construction d’un « consensus local » par les préfets. « On n’a pas intérêt à en faire un sujet national », croit-il.