Etudiants : les distributions alimentaires de l’association Co’p1 ne prennent pas de vacances

La grande majorité des étudiants en a terminé avec les cours et les examens… mais pas avec le précarité, pour nombre d’entre eux. L’association Co’p1 a décidé de continuer les distributions jusqu’à la fin juillet. Fruits, légumes, pâtes, pain, conserves, yaourts, confiseries, kit Covid et nécessaire d’hygiène, mille paniers de 8 à 10 kilos sont distribués chaque semaine. Pendant ce temps, le Sénat vote la création d’un ticket restaurant étudiant qui a peu de chance de voir le jour.

article par Eléonore Disdéro et Sara Kermarec publié  sur le site  telerama.fr le 21/06/21

« Y a un monde fou ! » peut-on entendre ce jeudi soir de juin porte de Vanves (Paris, 14e) devant la longue file d’attente. La musique est forte, les bénévoles se déhanchent et des boissons fraîches sont offertes pour faire patienter. À première vue, on ne se croirait pas dans une distribution alimentaire. Pourtant, c’est bien dans cette ambiance presque festive que l’association Co’p1, née en septembre 2020, continue à apporter de l’aide aux étudiants les plus démunis. Fruits, légumes, pâtes, pain, conserves, yaourts, confiseries, kit Covid et nécessaire d’hygiène, mille paniers de 8 à 10 kilos sont distribués chaque semaine. Les denrées proviennent essentiellement des invendus des supermarchés, des « indonnés » des autres banques alimentaires et de dons d’entreprises qui permettent à l’association d’acheter des produits frais. Des plats préparés par des restaurateurs sont également proposés. « Nous sommes des étudiants qui venons en aide à d’autres étudiants. Les bénéficiaires se sentent plus à l’aise qu’aux Restos du Cœur ou à la Croix-Rouge », explique l’énergique président de Co’p1, Ulysse Guttmann-Faure« C’est un lieu de rencontre, tout le monde est sympa. C’est un plaisir d’échanger avec les autres », confirme Anastasia (la plupart des prénoms ont été changés), en master de design-informatique, qui vient chercher son panier.

À l’entrée des locaux, une friperie solidaire où tee-shirts, pantalons et robes sont vendus à quelques euros« C’est bon, tout le monde est calé ? On lance », crie l’une des bénévoles. Les étudiants entrent petit à petit dans le bâtiment, récupèrent leurs paniers composés d’une base de fruits et de légumes – carottes, oignons et champignons pour aujourd’hui – et choisissent des desserts et des boissons. « C’est varié et bien étudié pour durer une semaine. Si on se débrouille bien, on peut réduire drastiquement les dépenses de nourriture », explique Redha, 24 ans, étudiant en chimie. Alternants, stagiaires, étudiants internationaux, tous connaissent, comme lui, des difficultés financières. Depuis le début de la crise sanitaire, la précarité a explosé : huit bénéficiaires des colis alimentaires sur dix n’avaient jamais eu recours à aucune aide avant la pandémie, a calculé l’association dans une étude.

J’ai d’abord commencé comme volontaire, puis j’ai réalisé que moi aussi j’avais besoin de ces paniers, parce que mon salaire est aléatoire.” Tristan, 23 ans

À l’approche de l’été, la majorité des étudiants en a fini avec les cours. L’association a cependant décidé de continuer les distributions jusqu’à la fin juillet« Quelques milliers de jeunes n’ont pas terminé leur année, comme les BTS et les alternants. D’autres sont endettés ou n’ont plus de revenus, puisque les bourses n’ont pas été prolongées pour l’été, comme nous le souhaitions », regrette Ulysse Guttmann-Faure. La fin du confinement a cependant permis à certains étudiants de retrouver les petits boulots alimentaires (serveurs, baby-sitting, caissiers…) dont la pandémie les avait privés. Un manque à gagner de quelques centaines d’euros par mois qui en a fait basculer des milliers dans la précarité.

Los d’une distribution alimentaire de l’association Co’p1.
Co’p1 Solidarités étudiantes

D’autant que beaucoup n’ont pas pu ou pas voulu faire appel au soutien de leur famille. Et pas toujours pour les raisons qu’on imagine. « Mes parents se sont retrouvés dans l’impossibilité de m’envoyer de l’argent car le gouvernement a décrété le gel des transferts bancaires à l’étranger », raconte Elisar, étudiante libanaise dans une école de commerce. « Les miens gagnent tout juste de quoi vivre, alors je ne leur ai rien demandé. Je ne voulais pas qu’ils se sentent mal de ne pas pouvoir me donner », explique Madeleine, qui finit une licence d’anglais.

À 20 ans, Jade, elle, étudie le droit. Elle est à la fois bénévole et bénéficiaire de Co’p1« Ma famille est au Maroc et mon père ne peut me faire des virements que tous les trois mois. Mes parents ne sont pas au courant que je viens à ces distributions, je ne veux pas les inquiéter. Avant, je mangeais du riz, et quand j’avais de la chance, il me restait un peu de moutarde. Je me suis engagée parce que j’ai voulu rendre le soutien que l’on m’a apporté ici, à Co’p1, tout en me rendant utile. » Comme elle, un tiers des cinq cent cinquante volontaires de l’association ont d’abord bénéficié de paniers. « Beaucoup ont voulu donner de leur temps, c’est une façon pour eux de nous remercier », constate le président de Co’p1. L’inverse est aussi vrai : certains bénévoles ont accepté de recevoir du soutien, comme Tristan, 23 ans, stagiaire en affaires publiques. « J’ai d’abord commencé comme volontaire, puis j’ai réalisé que moi aussi j’avais besoin de ces paniers, parce que mon salaire est aléatoire. Je ne suis pas le plus à plaindre mais j’ai un loyer à payer. »

Comme les Restos du Cœur en leur temps, qui avaient vocation à répondre à une situation d’urgence mais pas à s’institutionnaliser, Co’p1 n’imaginait sans doute pas à sa création perdurer au-delà de la pandémie. L’association reprendra pourtant ses distributions alimentaires en septembre. « Nous continuerons à exister bien que nous ne le devrions pas », constate Ulysse Guttmann-Faure. Jusqu’à quand ?