Prenant conscience de leur erreur, Khadija et son mari ont alors décidé de fuir Raqqa par le sud afin de gagner la ville de Mayadin, puis la Turquie. Sur ce chemin périlleux, elle aura pu mesurer l’ampleur de la cruauté des membres de l’Etat islamique. «Que de souffrance dans tous ces endroits où vivaient femmes et enfants !», se souvient-elle. «Les enfants avaient des poux, parfois la gale, et n’étaient jamais soignés», rapporte-t-elle encore.
Le terrible sort des femmes et des enfants
Mais le plus effrayant reste selon elle le sort réservé aux femmes. Au moindre écart de conduite, celles-ci sont placées dans des dortoirs précaires aux allures de prison, sous la stricte autorité de surveillantes au comportement «répugnant» : absence d’hygiène, mauvais traitement, femmes contraintes d’accoucher seules… Khadija se rappelle du sort d’une détenue qui, alors qu’elle suppliait pour qu’on l’aide à accoucher, ne recevait que l’indifférence la plus froide de la part des surveillantes : «Elle s’est rendue au jardin, tout en saignant abondamment… Elle est restée là toute la nuit sous la pluie, dans le froid : personne ne s’est occupé d’elle, pas même son mari qui, le lendemain matin, passant devant son corps étalé sur le sol, a feint de ne pas la voir, comme si rien ne s’était passé, comme s’il ne s’agissait que d’un chien.» Telle autre femme, raconte Khadija, s’est vue refuser un transfert à l’hôpital alors que sa jambe pourrissait, la condamnant à l’amputation.