Dans un article publié fin mars par la revue Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology, deux chercheurs britanniques ont cherché à comprendre quelles étaient les caractéristiques psycho-sociales de ceux qui adhèrent aux théories complotistes, raconte le journaliste Pierre Barthélémy sur son blog.
David Freeman (université d’Oxford) et Richard Bentall (université de Liverpool) ont ainsi exploité une vaste enquête portant sur la santé mentale aux Etats-Unis, réalisée entre 2001 et 2003, qui comportait une proposition ainsi libellée : « Je suis convaincu(e) qu’il existe un complot derrière de nombreuses choses dans le monde. »
Des individus isolés, aux revenus plus faibles et plus fragiles psychologiquement
« Sur les 5 692 personnes qui ont répondu au questionnaire, plus d’un quart (26,7 %) se sont déclarées en accord avec cette affirmation (ci-dessus). On retrouve davantage d’hommes que de femmes mais l’âge n’était en revanche pas un facteur déterminant. Se dessine le profil d’individus en général non mariés, au niveau d’études peu élevé, souvent exclus du marché du travail. Leur niveau de revenus est très nettement inférieur à celui des non-complotistes et il leur est plus fréquemment arrivé de souffrir de la faim sans avoir les moyens de l’assouvir. Ils ont connu des histoires familiales difficiles (séparation des parents biologiques, séjours prolongés hors du foyer) et leur réseau personnel (famille, amis) est en moyenne moins développé. Plus grande solitude, moins d’espoir en l’avenir, auto-dépréciation, plus grande détresse psychologique, colère et manque de contrôle, moindre confiance… Le mécanisme d’adhésion au discours complotiste fait intervenir des facteurs de prédisposition (défiance envers l’autorité, faible capacité à accepter l’incertain, etc.), des déclencheurs (essentiellement des événements à fort pouvoir émotionnel) et des biais de raisonnement (sources d’informations sélectionnées, biais de confirmation, rigidité cognitive, confiance en ses intuitions) », relate Pierre Barthélémy.