Comment peut-on encore vendre des êtres humains?

Des esclaves en 2017 en Libye : l’indignation se propage en Afrique et dans la Caraïbe depuis la diffusion, la semaine dernière, d’un reportage de la chaîne américaine CNN sur un marché aux esclaves près de la capitale, Tripoli. Entre surprise et ignorance, que faut-il en dire ?   Un éditorial signé par le rédacteur en chef de Martinique 1ère, la station régionale  de France Télévisions

  • Par Jean-Marc Party
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La traite négrière arabo-musulmane a précédé, dès le 7ème siècle de notre ère, celle effectuée par les colons européens chrétiens. L’historien sénégalais Tidiane N’Diaye nous apprend que les premières victimes de la traite humaine ont été les peuples slaves, jusqu’au 10ème siècle. Les marchands de Venise et de Marseille montaient de véritables expéditions, les razzias, dans le centre et dans l’est de l’Europe de l’Est pour vendre leurs captifs aux notables arabo-musulmans.

Ce trafic a cessé avec la création d’États puissants en Europe de l’Ouest, comme la France ou l’Espagne. Résultat : l’expansion arabe sur le continent européen a été stoppée nette, et la traite blanche avec. Un déficit rapidement comblé par le trafic dont été victimes les peuples négro-africains durant quasiment treize siècles.

Les Européens arrivés en Afrique se sont donc inspirés de méthodes initiées avant eux, en les industrialisant par la traversée de l’océan Atlantique. Et ce, durant quatre siècles, jusqu’à l’interdiction de la traite au début du 19ème siècle. En revanche, la traite effectuée par les arabo-musulmans a continué au-delà, l’esclavage aussi.

C’est encore le cas en Mauritanie, au nord-ouest du Sahara, ou encore en Libye. Le trafic révélé ces derniers jours par nos confrères de CNN montre que ces pratiques ne sont pas définitivement abolies. Qui plus est dans un pays démembré après la guerre menée par une coalition internationale, dont la France, en 2011.

Pourtant, l’Union africaine ne décidera rien, l’Union européenne non plus. Le trafic organisé en Libye permet de contenir partiellement le flux de réfugiés économiques et politiques vers l’Europe. Sans compter la possibilité offerte à certains pays pauvres d’Afrique de se vider de leurs jeunes potentiellement turbulents. Un avantage incomparable pour les potentats régnant avec la bénédiction de leurs protecteurs occidentaux et chinois.

Les intérêts économiques et stratégiques l’emportent sur toute autre considération, humaine ou philosophique. Indignons-nous, comme nous en avons le devoir devant l’ignominie, mais sans tomber dans un excès de naïveté.