Doué dans les études et engagé contre les inégalités et la fracture numérique, Ryan Abdelhakim, 19 ans veut rappeler que la banlieue représente aussi un vivier de talents. Portrait.
Art par C.G. publié sur le site leparisien.fr, le 27 06 2020
La voix timide mais déterminée, Ryan Abdelhakim est un bosseur. Le jeune homme de 19 ans, originaire de Clichy-sous-Bois a intégré Sciences Po après le bac, il y a deux ans, en passant l’examen classique. La tête dans les études à Paris, mais les pieds bien ancrés en banlieue, l’élève de grande école n’oublie pas sa ville. L’une des plus pauvres de France, dans laquelle il lutte contre les inégalités sociales et le décrochage scolaire.
Ce samedi, il a distribué à Clichy des ordinateurs à une dizaine de familles en difficultés dont les enfants sont scolarisés au collège et lycée. Baptisé Arobase, le projet a été financé grâce à une cagnotte solidaire lancée en mai. Une initiative portée par Ryan et trois autres jeunes Franciliens, Azad Bapir, Chaymaa Amara et Abdullah Cisse Diallo et la start-up associative French Tess.
« Le confinement a servi de révélateur »
« Pendant le confinement, nous nous sommes rendus compte que la fracture numérique était encore plus importante pour certaines familles, déjà en difficultés en temps normal, explique Ryan. Le confinement a servi de révélateur, notamment pour les enfants qui avaient du mal à étudier à distance. » A Clichy, près des deux-tiers des habitants vivent sous le seuil de pauvreté (1 041 euros par mois pour une personne seule).
La cagnotte solidaire a permis de récolter un peu plus de 2 000 euros qui ont servi à acheter une dizaine d’ordinateurs. « La fracture numérique, c’est la manque d’équipements mais ce sont aussi les moyens de connection médiocres et l’absence de formation et de connaissances des outils informatiques », précise Ryan. L’étudiant estime cependant qu’il n’y a pas de fatalités et veut aussi combattre l’idée que dans les quartiers populaires, rien n’est possible.
« Briser le cycle »
« Beaucoup de personnes ont une perception fausse de la banlieue et l’associent aux problèmes de sécurité et de violences urbaines, regrette le jeune homme. Mais en fait, malgré les inégalités économiques, il y a la présence de talents qui veulent seulement se dépasser, briser le cycle et proposer des idées innovantes. » Lui-même avait envie d’élargir son horizon, d’intégrer une école d’ingénieurs avant de se raviser dans ses choix. « Un prof d’histoire-géo m’a fait découvrir Sciences Po et le concept m’a plu. »
« Ce que l’on désire, on l’obtient par l’effort »
Ryan se prépare aux examens sélectifs pendant un an, pour gagner sa place. « C’est une fierté, reconnaît-il aujourd’hui, non sans avoir traversé des périodes de doute. Je me disais parfois : la barre est trop haute et puis ensuite, je me répétais : si je travaille, je vais y arriver. » C’est aussi un point que l’étudiant tient à souligner : « Beaucoup de jeunes dans les quartiers populaires s’auto-censurent en pensant qu’ils n’y arriveront pas. C’est un problème important alors qu’il y a des talents », regrette-t-il.
Le jeune homme tient pour modèle ses parents, originaires d’Egypte pour son père et d’Algérie, pour sa mère. « Depuis que je suis petit, ils m’ont appris que ce que l’on désire, on l’obtient par l’effort. C’est comme ça qu’on peut atteindre nos rêves et nos objectifs. » Le père de Ryan a monté sa propre entreprise de dépannage en électricité. « A son tour, il recrute des immigrés pour les aider par le travail, et les forme », ajoute l’étudiant. « Mes parents ont créé tout ce qu’il y a autour de moi et je ne pouvais pas rester les bras croisés et ne rien faire. »