Publié sur cultrueBox (France Télévisions) le 16 05 2018
Pour les photographes, les seize femmes, parmi lesquelles Eye Haidara, Sonia Rolland ou Firmine Richard, ont aussi levé le poing avant de rentrer dans la salle pour la projection du film « Burning » du Coréen Lee Chang-dong.
Pour cette montée des marches symbolique, elles étaient habillées par la maison Balmain, dont le directeur artistique, Olivier Rousteing, est lui-même métis et attaché aux questions de diversité dans la mode.
« Une antillaise ? Avocate ? Vous n’y pensez pas. »
« J’ai été imprégnée par l’air du temps, la preuve que les choses évoluent est qu’on sort les cadavres du placard », a reconnu l’actrice Aïssa Maïga, leader de ce mouvement. Dans « Noire n’est pas mon métier », livre présenté avant le Festival, les 16 actrices épinglent, citations à l’appui, les clichés et plaisanteries douteuses voire carrément racistes entendues dans l’exercice de leur métier en France.
« Pas assez africaine pour une africaine », « Trop noire pour (jouer) une métisse » : autant de remarques blessantes encaissées par les actrices qui vont fouler le tapis rouge. Blessants aussi, ces rôles refusés ou attribués par réflexe par des directeurs de casting obtus. Une Antillaise ? Forcément infirmière. Avocate ? Vous n’y pensez pas !
« Le chemin est long »
Une certitude: le sujet est défendu au sein même du jury chargé de décerner la Palme d’or. Parmi les neuf jurés, la réalisatrice américaine Ava DuVernay, militante de la cause noire et première réalisatrice afro-américaine nommée pour un Golden Globe en 2015 pour « Selma », sur la marche pour les droits civiques conduite par Martin Luther King en 1965. Via son collectif Array Now, elle soutient le « travail des cinéastes de couleur et notamment des femmes réalisatrices », souligne sur son site le festival de Cannes.
« C’est vrai que le chemin est long. (…) Nous serons là pour les soutenir », avait déclaré la chanteuse burundaise Khadja Nin, membre du jury, à l’ouverture de cette 71e édition.
Ryan Coogler, le réalisateur de « Black Panther », premier film sur un super-héros noir, a lui choisi de s’exprimer sur cette question avec sa caméra. « J’en avais marre des BD avec seulement des héros blancs ou les Noirs sont là pour la décoration », a-t-il lâché à Cannes, à l’occasion d’une leçon de cinéma organisée dans le cadre du Festival où il a expliqué pourquoi il s’est emparé de ce personnage méconnu de Marvel. Dans le public, Aïssa Maïga et le réalisateur haïtien Raoul Peck, nominé aux Oscars 2017 pour son documentaire « I am not your Negro ».
Michael Genet : Spike Lee « a brisé le plafond de verre » pour les Noirs
La présence des Noirs à l’écran et derrière la caméra a-t-elle évolué ? « Entre 1985 et aujourd’hui, c’est le jour et la nuit », avait concédé Spike Lee en janvier sur la chaîne Viceland. « Mais nous ne pouvons pas être satisfaits », insistait le réalisateur américain, qui a fait son retour à Cannes lundi avec « BlacKkKlansman », l’histoire vraie d’un policier afro-américain infiltré parmi des membres du Ku Klux Klan: « Il ne s’agit pas seulement de faire un film. Nous devons accéder à ces postes-clés pour avoir notre mot à dire sur ce qui se tourne ».
C’est Spike Lee qui « a brisé le plafond de verre » pour les Noirs dans le cinéma, selon Michael Genet, acteur et scénariste: « Ryan Coogler ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui si Spike Lee n’avait pas fait ce qu’il a fait ».
A Cannes aussi cette année, Michael B. Jordan, dans le remake de « Fahrenheit 451 », le chef d’oeuvre de Ray Bradbury après avoir incarné l’adversaire la Panthère Noire dans le film de Coogler. Ou Donald Glover dans un des premiers rôles de « Solo », le dernier opus de la série Star Wars, dévoilé mardi. Glover alias Childish Gambino, le rappeur dont la vidéo interrogeant les Etats-Unis sur le racisme a été vue par plus de 100 millions de personnes en sept jours sur YouTube.