Exclus de la protection temporaire offerte à leurs collèges ukrainiens, les étudiants congolais fuyant la guerre se voient refuser leurs inscriptions aux universités belges.
« Nous voulons pouvoir terminer nos études comme les Ukrainiens«
Ruth, étudiante en médecine congolaise, est arrivée à Bruxelles début mars après avoir réussi à fuir l’Ukraine, où elle était inscrite à l’université de Sumy, dans l’est du pays. Comme elle, 45 autres étudiants en médecine, en économie ou en relations internationales tentent de s’inscrire dans une université belge pour poursuivre leurs études et valider leur année.
L’accueil facilité pour les ressortissants ukrainiens
Depuis l’adoption de la directive européenne sur la protection temporaire début mars 2022, les étudiants de nationalité ukrainienne, ainsi que les étudiants dissidents russes et biélorusses, bénéficient de programmes et cursus spécifiques leur permettant de fréquenter les facultés belges. Selon la ministre belge de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny, plusieurs initiatives existent en termes de soutien financier et de facilitation d’inscription visant l’intégration et l’accueil des étudiants. Aujourd’hui, à l’Université Libre de Bruxelles, par exemple, plus de 70 demandes urgentes sont en cours de traitement pour accéder à ces mécanismes.
« Nous intégrons les étudiants dans nos cursus et les chercheurs, doctorants et universitaires, dans nos laboratoires », explique Nicolas Dassonville, porte-parole de l’ULB. « Comme nous sommes déjà à la mi-mars, nous mettons en place des programmes spécifiques pour les étudiants de français langue étrangère et d’anglais. Ils peuvent également suivre les cours de nos facultés en tant qu’étudiants individuels. Si les compétences linguistiques sont suffisantes et que l’université est en mesure de le faire, ils pourraient passer certains examens. » Par ailleurs, plus de 115 offres de logement ont été faites en quatre jours au sein de la communauté ULB.
Une régime excluant pour les étudiants des pays-tiers
Mais Ruth et neuf autres étudiants venus d’Ukraine, n’ont pas bénéficié de cette solidarité. Malgré leur visa d’étudiant ukrainien en cours de validité, les étudiants au passeport congolais ne peuvent en effet pas être enregistrés et accueillis : ils se voient refuser l’accès aux cours de l’ULB.
« Les Ukrainiens sont maintenant privilégiés alors que nous venons tous d’Ukraine. Donc nous voulons les mêmes droits, car nous venons tous de la guerre, nous étions tous en Ukraine. Nous voulons aussi pouvoir terminer nos études comme les Ukrainiens« , dit Ruth.
Pour Esther Kouablan, directrice du MRAX (Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie), l’exclusion de ses étudiants en raison de leur nationalité est un choix politique. « C’est vrai qu’il y a cette directive européenne, mais chaque pays a aussi le devoir d’appliquer la justice et l’équité à tous les réfugiés qui arrivent ici » plaide-t-elle. Mme Kouablan cite l’exemple de l’Espagne, où le gouvernement a récemment décidé d’étendre la protection temporaire aux ressortissants de pays tiers qui se trouvaient légalement en Ukraine au moment de l’invasion russe. Des experts juridiques se penchent sur la question d’une éventuelle extension à la Belgique.
Question d’équité
Pour certains, il s’agit d’une continuation du traitement différencié qui a déjà commencé pendant leur voyage depuis l’Ukraine. Axel, un étudiant en informatique, raconte que pendant des heures, lui et d’autres amis ont été empêchés de monter dans un train, simplement à cause de la couleur de leur peau. Une fois arrivés à la frontière, ils ont été agressés par les gardes-frontières. « Nous sommes quand même des humains, nos vies comptent aussi« , insiste-t-il.
« Nous sommes quand même des humains, nos vies comptent aussi«
Contraint d’attendre une promesse d’équité, ce petit groupe d’étudiants reste empêché de rejoindre leurs anciens collègues ukrainiens.