Val-d’Oise : ils expérimentent un permis de conduire… à 150 €

L’association Agir Ensemble est venue tester son dispositif “100 permis pour les sans permis” à Sarcelles. C’est une première dans le département.

article de Victor Tassel,  publié sur le site leparisien.fr, le 29 10 2019

Abdelmajid, ressort de son entretien tout jouasse. « C’était super ! Je le sens bien, j’espère être sélectionné ! » Le jeune de 18 ans, originaire de Garges-lès-Gonesse, vient d’essayer de convaincre de recruteurs de le retenir pour passer le permis pour seulement 150 €.

L’association « Agir Ensemble », basée à Drancy (Seine-Saint-Denis) a organisé des entretiens, ce mardi à Sarcelles, avec une cinquantaine de jeunes du secteur pour leur dispositif « 100 permis pour les sans permis ».

Beaucoup n’ont pas les moyens de payer 1 500 €

Il permet donc d’obtenir le papier rose pour 150 € seulement, contre 70 heures de bénévolat. « Pour cela, les jeunes doivent avoir un projet professionnel très clair et qui nécessite d’avoir le permis de conduire, souligne Idriss Niang, président d’Agir Ensemble. Dans ces quartiers, beaucoup n’ont pas les moyens de payer 1 500 € mais roulent quand même en toute illégalité. Nous venons en soutien pour régulariser les situations. »

Abdelmajid, 18 ans, a postulé pour obtenir le permis à 150 €. LP/V.T. 

Vingt-cinq jeunes seront sélectionnés pour cette première expérimentale dans le Val-d’Oise. Elle a été « parrainée » par EuropaCity Compétences. « Nous préparons le terrain, pour les 10 000 emplois qui viendront d’ici à huit ans. Nous voulons que ce soit les jeunes du territoire qui en profitent, donc nous les accompagnons. En les mettant dans les conditions réelles d’entretien, ils apprennent les codes pour convaincre plus tard un employeur, indique Christian Lema, président d’EuropaCity compétences. À eux de jouer maintenant ! »

Montrer son sérieux

Avant de profiter du dispositif, les postulants doivent tous « se vendre », comme dans un vrai entretien d’embauche, auprès de deux personnes, qui remplissent des grilles d’évaluation où ils notent la tenue vestimentaire, le projet professionnel, l’apparence physique, l’aisance et la ponctualité.

« Ils se débrouillent très bien, car ils sont déterminés à s’en sortir et à réussir, souligne Marion Quérat, jury et salarié chez Mozaïk RH. Et, si cela ne va pas, nous laissons des appréciations pour qu’ils puissent s’améliorer. On ne les laisse pas au pied du mur. »

« Si on n’a pas de voiture, on est assignés à résidence »

Avant de se lancer, Ramata, 25 ans, se ronge les ongles de stress. « Je ne peux pas me louper ! » La jeune femme, au chômage après un Bac pro accueil, a besoin du permis de conduire pour devenir aide-soignante. « Je vais passer le concours et le métier a des horaires décalés. Or, à Garges, il n’y a pas assez de transports… »

Dans le secteur de Garges-Sarcelles, le permis s’apparente au Graal. « Se déplacer en transport en commun, c’est l’enfer ! Si on n’a pas de voiture, on est assignés à résidence, souffle Djenaba, étudiante en comptabilité. Et chez nous, on n’a pas les moyens de payer le tarif normal d’un permis. »

Eviter la galère des transports en commun

Originaire de Sarcelles, elle est venue tenter sa chance avec son amie Maïmouna, 18 ans, étudiante en médecine à Bobigny (Seine-Saint-Denis). « Je mets plus d’une heure pour aller en cours, c’est une galère ! Le permis m’offrirait un peu plus de tranquillité et de temps de travail », confie Maïmouna, sourire aux lèvres.

Dans sa chemise bleu marine, Léotard, 26 ans, propre sur lui, essaye de se détendre ses écouteurs dans les oreilles. En alternance dans le BTP, il va débuter un BTS pour devenir chef de chantier. Un métier, qui nécessite de se déplacer « en permanence ». « Et je ne vais pas pouvoir prendre le bus ou le RER à droite à gauche. Là, des employeurs me disent qu’ils ne me recruteront pas en alternance parce que je n’ai pas le permis… » souffle-t-il.

Oulemata, 21, qui ressort de son « entretien réussir », peine aussi à trouver un stage pour valider son BTS mode. La jeune femme, recalée dans les grandes maisons de la capitale, tente de taper à la porte de plus petits ateliers… dans l’Essonne. À l’autre bout de l’Ile-de-France. « Déjà que pour aller en cours, je galère dans le RER D, alors imaginez pour aller là-bas, s’amuse-t-elle. Moi, sans le permis, je ne pourrai pas me projeter et réussir ce que je souhaite réaliser. »

Léotard, 26 ans./LP/V.T. 

Déjà  100 permis de ce type en Seine-Saint-Denis  

Cent jeunes ont déjà bénéficié du dispositif « 100 permis pour les sans permis » de l’association Agir Ensemble en Seine-Saint-Denis. La structure, fondée en 2009 à Drancy, a dernièrement obtenu le titre « d’auto-école associative ». « Cela nous facilite la vie ! », se réjouit Idriss Niang, le président. Après avoir sillonné tout le 93, l’association veut maintenant investir tous les départements d’Ile-de-France. « À commencer par l’est du 95, note Idriss Niang, où sont nos premiers voisins et où les problématiques sont les mêmes. »