C’est une grande figure de la lutte pour l’émancipation des femmes dans le monde arabe qui s’est éteinte ce dimanche. Nawal el-Saadawi a écrit une cinquantaine d’ouvrages, traduits dans une trentaine de langues, et n’a jamais mâché ses mots. Au contraire, elle abordait de nombreux sujets tabous, avec son franc-parler, et revendiquait des idées largement à contre-courant de la société égyptienne conservatrice, qu’elle a quittée plusieurs fois pour avoir reçu des menaces de la part d’islamistes radicaux.
article par Benjamin Delille publié sur le site libération.fr, le 21 03 2021
Cette psychiatre de formation, à la silhouette frêle et au sourire chaleureux, était notamment l’autrice d’ouvrages féministes qui ont fait date, comme la Femme et le Sexe. Elle s’est toujours prononcée contre la polygamie, le port du voile islamique, l’inégalité des droits de succession entre hommes et femmes en islam et surtout l’excision, qui concerne plus de 90 % des Egyptiennes. Des positions qui lui ont valu de nombreuses critiques, en plus des menaces. En 2007, l’institution théologique Al-Azhar , l’une des plus prestigieuses de l’islam sunnite, avait porté plainte contre elle pour atteinte à l’islam. Un mois plus tôt, son autobiographie et l’une de ses pièces de théâtre avaient été bannies de la foire du livre du Caire.
A lire aussi : La pasionaria égyptienne En 2007, des militantes et militants de l’association féministe « Ni putes, ni soumises » née dans les banlieues avait appelé à manifester à Paris en soutien à Nawal el-Saadawi Plusieurs fois emprisonnée ou menacée pour ses prises de position courageuses, pour la démocratie ou contre l’intégrisme, l’écrivaine venait de fuir son pays après la plainte de l’université Al-Azhar. « Sous prétexte d’injure à l’islam, les tribunaux égyptiens et l’université islamique du Caire Al-Azhar lui ont intenté un procès. D’ores et déjà, tous les exemplaires de son ouvrage ont été détruit une pièce de théâtre »
Figure très politique, Nawal el-Saadawi avait même envisagé de se présenter à l’élection présidentielle de 2005 avant de se raviser. Elle avait alors dénoncé «une parodie» de démocratie tandis que Hosni Moubarak dirigeait encore le pays d’une main de fer, lors des printemps arabes.
Elle a aussi été très critiquée en 2013 pour avoir soutenu la destitution de l’ancien président Mohamed Morsi par l’actuel dirigeant, le général Abdel Fattah al-Sissi. C’est que l’écrivaine tenait le président islamiste en horreur, accusant «les Frères musulmans d’avoir tiré profit de la révolution, elle qui s’est longtemps battue contre les fondamentalistes religieux».Elle s’éteint à 89 ans avec une reconnaissance internationale et ses idées en héritage.