La papesse du Raï, Cheikha Rimitti, a depuis début novembre le droit à une place qui porte son nom à Paris, dans le 18e arrondissement.
La place Cheikha Rimitti a été attribuée à une emprise du domaine public, située entre la rue de la Goutte d’Or et Polonceau dans le 18e arrondissement de la ville. C’est en tout cas ce qu’on peut lire dans un délibéré publié au Journal Officiel au début du mois.
Née en 1923 à Sidi Bel Abbès et décédée à Paris en 2006, Cheikha Rimitti est l’un des grands noms du Raï. Son penchant pour une parole libérée et l’introduction de nouvelles sonorités inspire jusqu’à ce jour nombre de chanteurs de la nouvelle génération.
Avant de visionner l’extrait vidéo de son concert à l’Institut du Monde Arabe en 1994, quelques repères biographiques dans le portrait ci-dessous, publié par dans le Parisien du 17 juin 200
Cheikha Rimitti, la mère spirituelle du raï
CHEIKHA RIMITTI n’est pas une veille dame indigne, mais elle dégage l’aura et l’insolence irrésistible des grandes chanteuses de blues. A 77 ans, l’ancêtre du raï chante toujours l’amour canaille, parle de « gâter mon coeur avec mon nouveau préféré/telle est ma passion », dans son nouvel album, « Nouar » (Musisoft). Ce disque lui offre pour la première fois une reconnaissance hors de la communauté et d’Algérie où elle est une star, comme le confirme son passage à la Cigale ce soir. Cheikha Rimitti aurait enregistré 400 cassettes et 25 albums tout au long de sa vie. Elle doit son surnom à son succès dans les bars de l’Oranais, à ses débuts dans l’Algérie des années trente et quarante. Un soir de liesse, elle veut offrir la tournée à son public, mélange d’habitants du bled profond et de fonctionnaires coloniaux, mais ne parlant pas la langue de Molière, elle bafouille un « Remettez une tournée » et devient la chanteuse « Rimitti », la cheikha, maître de son art. Sadia Bédief, de son vrai nom, orpheline très jeune, a chanté pour s’en sortir, en endurant longtemps l’errance d’une sans-domicile-fixe et une pauvreté qui évoquent le poids de douleur d’une Billie Holiday. Un réservoir de thèmes pour ses chansons au franc-parler âpre, licencieux et poétique, jusqu’à ce nouvel album dont le titre, « Nouar », signifie « fleur ». Presque des « Fleurs du mal »…
L’une des premières Algériennes à chanter le plaisir
Son premier succès national, en 1954, fit scandale : « Déchire et découpe/Rimitti viendra raccommoder Comme hier sur le matelas/Galipette pour galipette/Je ferai à mon amour ce qu’il voudra. » Certains y virent une attaque contre le tabou de la virginité. Cheikha Rimitti fut l’une des premières femmes algériennes à inventer une sorte de féminisme, en chantant le plaisir, autant dire l’interdit. Elle se voit comme la Oum Kalsoum de l’Algérie, et s’est installée à Paris au début des années quatre-vingt. Cheikha Rimitti vit depuis dans une chambre d’hôtel de Barbès. Après une longue éclipse, elle réapparaît sur scène en 1994 à l’Institut du monde arabe, qui a récemment publié l’album de ce concert, « Aux sources du raï », de facture beaucoup plus traditionnelle que « Nouar ». Des anciens, Cheikha Rimitti a conservé le souffle hypnotique des flûtes de roseau et des percussions qui conduisent à la transe. Mais « Nouar » s’est ouvert au raï moderne, avec la participation de l’arrangeur Maghni Mohamed, qui a collaboré avec Khaled et Mami. Contrairement à d’autres divas du raï qui restent fidèles à la tradition pure, Cheikha Rimitti s’est décidée à en découdre sur le terrain même de ses jeunes rivaux, auxquels elle reproche souvent de l’avoir pillée.