« Il y a une nouvelle génération qui arrive et va inventer de nouveaux modèles » : le Gros Journal avec Kaoutar Harchi

C’est quoi les autres punchlines qui te viennent en tête ?
J’ai été très touchée aussi pendant tout un temps par la Scred Connexion.

« Jamais dans la tendance, mais toujours dans la bonne direction » : je me disais “c’est vrai, en fait”. On peut être très différent, on peut nager à contre-courant. En tout cas, je considérais que pour moi, à ce moment-là dans ma vie, faire ce que je faisais était la bonne direction. Du coup, j’ai toujours une pensée émue pour Haroun, Morad, tous les gars de la Scred Connexion.

Qui d’autre ?
Chiens de Paille aussi, beaucoup. Je trouvais ça beau, ce bagagiste qui devient rappeur et qui écrit d’une manière incroyable. Il y a des assonances, c’est très puissant.

Est-ce que tu écoutes PNL ?
Pour moi, PNL c’est la preuve qu’on arrive à un stade où le rap bénéficie d’une certaine autonomie. Il y a une vraie innovation au niveau des codes, au niveau de l’univers. On peut parler de tartines et du Nutella, on peut rêver d’une femme du Venezuela…

Le duo qu’ils forment, les deux garçons de PNL, est très étonnant parce que ce n’est plus un rapport de conflictualité, ce n’est plus un rapport de Yin et de Yang. Ils sont dans quelque chose à la fois de gémellaire, mais qui joue quand même sur des petites formes de variations, des petites formes de distinctions. Émotionnellement, je trouve ça puissant.

On a l’impression que le rap a toujours été manipulé, récupéré avant les périodes électorales. Et là, c’est tellement le chaos, qu’ils n’essaient même plus.
Non, ils n’essaient même plus. Il n’y a plus d’énergie pour récupérer ou pour détourner. Et quelque part c’est très bien, parce que cela va vraiment dans le sens de ce que l’on disait avant, c’est-à-dire d’une autonomie du rap qui s’inscrit progressivement dans le paysage, et qui, du coup, n’est plus soumis aux mêmes contraintes ou aux mêmes injonctions qu’auparavant. Même si ça reste très compliqué, c’est une musique qui n’est pas une musique comme une autre. Socialement, elle n’est pas perçue comme une musique lambda. Beaucoup de chanteurs français pourraient pâlir de ne pas avoir autant de talent, et de verbe et d’inspiration, à la Baudelaire, à la Rimbaud…

Quand je lis des articles sur toi, il est écrit “sociologue, écrivain, d’origine…”
Ça ne touche pas à ma personne, je pense que c’est beaucoup plus global et je pense que c’est une difficulté de nommer en fait. On bute beaucoup sur les mots, et je pense que la difficulté à trouver une expression, à simplement considérer la personne par rapport à ce qu’elle fait — et non pas par rapport à ce qu’elle est — est très perturbant. Et du coup, il faut absolument essayer de baliser le terrain pour préciser quel serait l’espace à partir duquel on s’exprime, mais en même temps, c’est aussi un bon baromètre. Je pense que le jour où l’on se contentera de préciser le prénom, et de dire sur quoi la personne travaille, c’est que l’on aura avancé et que l’on ne sera plus dans des “small boxes” comme disent les américains, des petites boîtes pour classer les gens.

Dernière question, c’est quoi ta définition d’une clique ?
Ma définition d’une clique ? C’est un pôle d’amour. Pour moi, une clique c’est ça. J’ai eu des cliques parfois. Des gens avec qui on se voyait beaucoup. Avec mes sœurs, on forme une vraie clique. Une vraie clique de filles.

« Je n’ai qu’une langue et ce n’est pas la mienne », Kaoutar Harchi, éditions Pauvert.

Publié le 11/05/2017 sur Clique.tv