La frise ci-dessous est un cas anonymisé instruit par la Permanence Juridique de France Fraternités. Elle retrace le parcours, mouvementé, d’une de nos bénéficiaires : 18 ans de galères. Chaque mois, nous publierons un cas qui illustre les dysfonctionnements de l’ANEF et l’impact dramatique qu’ils ont sur le parcours des étrangers en France.

L’administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) a été lancée en 2014 et a entraîné la dématérialisation progressive, de 2019 à 2023, des démarches « séjour » avec un but affiché de simplifier les procédures.
Hélas, c’est tout le contraire qui s’est produit. Dans un rapport du défenseur des droits (DDD), l’ANEF est accusé d’être à l’origine d’atteintes massives aux droits des usagers. Le DDD a recommandé de simplifier les démarches administratives, de permettre le dépôt des dossiers en format papier ou encore de fixer des rendez-vous dans un délai raisonnable. Ces recommandations n’ont pas été appliquées.
Cette frise est un exemple parmi tant d’autres des dysfonctionnements manifestes de l’ANEF. Madame Y a 18 ans de présence en France, travaille, paie ses impôts, parle notre langue, n’a aucun problème avec la justice. Comment qualifier les errances de l’administration à son égard ? Une enquête de la FAS, rendue publique en octobre 2024, révèle que près de 45% des usagers estiment que leur droit au travail et leur accès aux droits sociaux ont été perdus à cause des dysfonctionnements liés à l’ANEF.
L’ANEF est un service public, en partie financé par le paiement des timbres fiscaux par les étrangers, mais qui donc l’administre ?
Dans sa décision N°452798, en date du 3 juin 2022, suite à la saisine par de nombreuses associations de droit des étrangers, le Conseil d’état a indiqué que l’administration doit garantir un accès normal des usagers au service public et garantir l’exercice effectif de leurs droits, prévoir un accompagnement spécial pour les usagers qui n’ont pas accès aux outils numériques et enfin ce télé service doit être assorti d’une solution de substitution en cas de défaillance liée à la conception ou au mode de fonctionnement du télé service. Sans effet ou presque en novembre 2025.
Ce sont toujours les préfectures qui instruisent les dossiers et prennent les décisions. La charge de travail liée à ces démarches n’a donc pas diminué. Les bugs de la plateforme et sa complexité allongent les délais de traitement. Une des conséquences de ces délais prolongés est le recours plus fréquent au juge administratif, notamment en raison du principe applicable au droit des étrangers selon lequel le silence de l’administration vaut un refus passé quatre mois.
La dématérialisation des démarches administratives pour les étrangers crée une forme d’arbitraire administratif. Les risques de blocage technique sur l’ANEF, le manque d’information et l’impossibilité de prendre des rendez-vous dans certaines préfectures placent les usagers dans une situation incertaine et traduisent une rupture d’égalité face à l’accès au service public. Ces dysfonctionnements sur l’ANEF entraînent la violation de droits fondamentaux et fragilisent l’État de droit. La dématérialisation censée simplifier les procédures administratives devient un facteur d’exclusion et fragilise les droits fondamentaux essentiels à un État de droit.

