Le 27 novembre dernier, le Parlement européen adopte une résolution historique. Il condamne la détérioration grave de l’État de droit et de la situation des droits humains en Tunisie par 464 voix pour, 58 contre. Quelques heures plus tard, un symbole fort venait donner chair à cette condamnation : la libération conditionnelle de l’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani, emprisonnée depuis mai 2024 pour avoir exercé sa liberté d’expression.
Ce télescopage des calendriers n’est pas un hasard. Il est le résultat de mois, d’années de mobilisations, de résistances, de dénonciations internationales face à une répression politique de plus en plus assumée par le régime de Kaïs Saïed. Cette libération est une victoire politique, juridique et humaine. Une victoire arrachée de haute lutte. Mais elle reste incomplète.
Car pendant que Sonia Dahmani sort de prison, beaucoup trop d’autres prisonniers et prisonnières politiques restent derrière les barreaux, poursuivis au nom de lois liberticides, notamment le tristement célèbre décret 54, utilisé pour criminaliser toute parole critique.
Depuis le 7 mai 2024, c’est aussi Sherifa Riahi, ancienne directrice de Terre d’Asile Tunisie, est emprisonnée à Tunis sans qu’aucune charge sérieuse ne soit retenue contre elle. Son seul “crime” : avoir défendu les droits des personnes exilées, avec le soutien de partenaires institutionnels européens, du HCR, de la coopération suisse et des ministères tunisiens eux-mêmes.
Comme elle, d’autres figures majeures de la société civile ont été jetées en prison, Saadia Mosbah, présidente de l’association antiraciste Mnenty,, Sonia Dahmani, aujourd’hui libérée mais toujours poursuivie, des journalistes, des avocats, des militants, des humanitaires.
L’engrenage répressif s’est ouvert en février 2023. Kaïs Saïed dénonçait l’arrivée de prétendues « hordes de migrants » dans un discours ouvertement raciste et complotiste, accusant les associations de « trahison ».
Depuis, ce sont des vies brisées, des familles détruites, des engagements criminalisés.
La libération de Sonia Dahmani n’est donc pas un point final. C’est un premier pas. Le Parlement européen a demandé la libération de toutes les personnes détenues pour avoir exercé leur liberté d’expression. Il a dénoncé les détentions arbitraires, les persécutions politiques, les atteintes à l’indépendance de la justice.
Parce qu’aucune démocratie ne peut emprisonner des humanitaires.
Parce qu’aucun État ne peut faire taire indéfiniment celles et ceux qui défendent la dignité humaine.
Nous suivrons le procès de Sherifa Riahi qui s’ouvre le 15 décembre avec beaucoup de vigilance.
Notre combat continue !

