L’une a vu son fils partir de Belgique pour mener le jihad en Syrie, l’autre est la mère d’une victime des attentats de Bruxelles en 2016, ces deux femmes que tout oppose délivrent un message d’espoir dans un livre.
article par Angélique Bouin publié sur le site franctvinfo.fr le 04 10 2021
Le procès des attentats du 13 novembre 2015 se poursuit à Paris, et il est suivi avec attention en Belgique où quatre mois plus tard, un double attentat à Bruxelles avait tué 32 personnes et fait plus de 340 blessés. Le procès de ces attentats survenus à
l’aéroport et dans le métro bruxellois s’ouvrira en mars 2021, dans la foulée du procès en cours à Paris. En Belgique, deux femmes que tout oppose, deux mères devenues amies, publient un livre de conversations croisées bouleversant. L’une a eu sa fille de 30 ans grièvement blessée dans le métro, l’autre est la mère d’un jeune homme parti faire le jihad et mort en Syrie.
Attablées devant leur tasse de café, les deux femmes ne se quittent pas des yeux quand elles racontent. Mais la première fois a été difficile. « Un choc ! », confie Fatima Ezzarhouni, 50 ans, anversoise d’origine marocaine. Son fils est parti en Syrie en 2013 à l’âge de 18 ans. « Moi, je n’ai rien vu parce que mon fils était un des premiers à être partis », explique Fatima. Depuis neuf ans, son cœur a été déchiré à plusieurs reprises. Sept fois, on lui annonce la mort de son enfant. Il est finalement décédé en février 2021. Être mère de terroriste est si lourd à porter, confie Fatima.
« C’est atroce, c’est un cauchemar. J’ai fait un trop long et lourd chemin. » Fatima Ezzarhouni, mère d’un jihadiste
Un chemin qui la conduit à croiser Sophie Pirson, via une association de lutte contre la radicalisation. Le coup de foudre amical est sans appel. « Toutes les larmes des mères sont les mêmes » est-il écrit dans leur livre. Sophie, bruxelloise de 62 ans, qui le 22 mars 2016 voit sa vie basculer quand un témoin de l’explosion du métro l’appelle pour lui dire qu’il est à côté de sa fille. « C’est une blessure très forte, raconte-t-elle. Le cœur change de place et je pense qu’il ne revient pas tout fait à sa place initiale. » Sophie dont la fille blessée est aujourd’hui guérie et chez qui la haine ne s’est jamais invitée.
« La haine, c’est quelque chose que j’ai mis de côté parce que ça ne fait pas avancer. » Sophie Pirson, mère d’une victime des attentats de Bruxelles
« On a envie de se tourner vers ce qui est beau plutôt que vers ce qui est moche », poursuit Sophie. C’est ce qui unit les deux femmes. Soutenue par son amie, Fatima s’engage. Malgré les moments de grande souffrance elle témoigne dans les lycées de la dérive de son fils et de son histoire. « On essaye de voir la beauté de la vie et on veut faire quelque chose pour cette beauté, développe Fatima. C’est le travail de prévention que je fais. Je dis toujours que si on peut en aider un, c’est déjà gagné. C’est devenu un combat pour moi. » Sophie, elle, a prêté sa plume pour raconter leur rencontre et leurs combats. Couvrez-les bien, il fait froid dehors… c’est le joli titre de leur livre paru aux éditions du Cerisier.