Ouest-France a organisé “Vivre ensemble, les Assises Nationales de la Citoyenneté” les 19 et 20 janvier 2018. À cette occasion, focus sur ceux qui font ce vivre ensemble, comme Myriam Blal. Se marier à un non musulman, quand on est femme, c’est interdit dans sa culture. Dans un livre-témoignage, elle raconte comment elle a brisé le tabou sans perdre ni sa foi, ni sa mère.
« D’un côté, il y a l’enfer. De l’autre, le paradis. Les choses sont très claires pour mes parents. Les musulmans sont le peuple élu de Dieu qui ira au paradis. Tous les autres iront en enfer. Petite, j’avais du mal à comprendre cela. Régulièrement, j’interrogeais ma mère. ‘Même l’abbé Pierre ira en enfer? – Oui, même l’abbé Pierre’. »
Ce passage du livre que vient de publier Myriam Blal montre la hauteur de la falaise que la petite Parisienne d’origine tunisienne a dû escalader pour devenir cette femme épanouie qu’on rencontre aujourd’hui, mère d’un garçon de deux ans, épouse d’un catholique de bonne famille nantaise.
Le baiser du ramadan
L’histoire débute sur la terrasse du Lieu unique, l’été 2011. Myriam passe le week-end à Nantes avec des amis. Maxime s’assoit près d’elle, ils discutent, se plaisent, se revoient à Paris. Un jour de ramadan, le jeune Nantais veut l’embrasser sur le quai de gare. Elle lui tend juste sa joue : « Le soleil n’est pas encore couché. » Il est catholique, croyant, elle tient à rester musulmane. Mais ils s’aiment, vont rapidement vivre ensemble.
Il l’annonce à ses parents, inquiets et néanmoins ouverts. Elle le cache aux siens. « Dans l’islam, les mariages mixtes sont tolérés pour les hommes. Mais pour les femmes, c’est haram, c’est péché, explique Myriam Blal. Le consensus là-dessus date de plusieurs siècles et n’a jamais été repensé. » Seule solution : que le fiancé se convertisse. Mais lui refuse de jouer les hypocrites. Alors, ils décident de se marier religieusement, mais lors d’une cérémonie où chacun garde sa foi. Un modèle à inventer. Sacrée affaire.
À ce stade de l’histoire, on se demande pourquoi ils ne se contentent pas d’aller à la mairie, et puis basta…« Pour nous, la foi est importante, répond Myriam, et nous trouvions dommage de ne pas faire adhérer nos familles religieuses à ce projet. » Familles, un mot a double sens. « Chez les peuples méditerranéens, elles sont beaucoup plus présentes. » La perspective d’une rupture avec sa mère est insoutenable. Ça ne sera pas du tout le cas. Quand il apprend la nouvelle, le père de Myriam s’éloigne, mais la maman, bien que désolée, garde le lien.
Feu vert
L’union est possible. Le fiancé trouve un prêtre rezéen prêt à la bénir : Gérad Épiard, formé au dialogue islamo-chrétien. La fiancée, elle, essuie refus sur refus auprès des imams. Dont celui de la mosquée nantaise Assalam, navré, mais ferme, après consultation des textes savants, rapporte Myriam dans son livre. « C’est un problème que vivent beaucoup de musulmanes,dit-elle. En témoignent les lettres que je reçois depuis qu’il a paru, voilà quinze jours. »
Elle finit par rencontrer Miloud Mirouani, du Groupe de foyers islamo-chrétiens, non imam, mais érudit en islam, qui viendra psalmodier une sourate du Coran lors de la cérémonie, en septembre 2014, dans un grand jardin. Les soeurs et la mère de Myriam participent. Les deux familles s’entendent bien. « Ma belle-famille me dit que c’est parfois plus facile de discuter entre croyants différents, qu’entre un croyant et un non-croyant », confie Myriam. Et d’ajouter, ravie : « Quant à ma mère, elle m’a lancée récemment : en fait, Maxime, c’est un arabe ! »
Et Dieu, dans tout ça ? Deux ans après leur mariage, les deux époux sont bien convaincus qu’au fond, ils prient le même.
Le baiser du ramadan, Myriam Blal, Bayard, 160 pages, 16,90 €.