Le gouvernement français a enfin décidé d’un moratoire sur l’expulsion des étudiants étrangers venus se réfugier en France après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Plusieurs d’entre eux avaient reçu des Obligations de quitter le territoire français (OQTF) après s’être vu refuser la protection temporaire accordé aux Ukrainiens, au motif que leur pays d’origine n’était pas en guerre. L’État leur laisse jusqu’à fin septembre pour régulariser leur situation et obtenir un visa étudiant.
article par publié sur le site infomigrants.net le 06 07 2022
Un moratoire jusqu’à la rentrée universitaire
Le gouvernement laisse un peu de répit aux étudiants étrangers venus d’Ukraine. « Il a été décidé le 17 juin qu’aucune Obligation de quitter le territoire (OQTF) ne serait appliquée ni aucune nouvelle OQTF décidée, jusqu’à la rentrée universitaire. Un nouvel examen approfondi de leur situation va être fait, qui portera sur leur projet étudiant et leurs ressources« , affirme le préfet Joseph Zimet, qui pilote la cellule interministérielle de crise sur l’accueil des Ukrainiens. Les étudiants ont désormais un peu moins de trois mois pour régulariser leur situation et demander un visa étudiant.
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« Nous appliquerons les mêmes critères que [ceux] qui demandent un visa en France », précise Joseph Zimet. En clair, les étrangers pourront obtenir le précieux sésame en apportant la preuve d’une inscription dans une université ou une école et en justifiant des conditions de ressources nécessaires. »
Multiplication des décisions d’expulsions
Environ un millier de jeunes qui suivaient des études supérieures en Ukraine ont débarqué en France après l’invasion russe, en février, estiment les associations. Beaucoup d’entre eux se sont vu refuser la protection temporaire de six mois renouvelable, accordée aux ressortissants ukrainiens, au motif que leur État d’origine n’est pas en guerre.
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La France, contrairement à d’autres pays comme l’Espagne ou le Portugal, suit à la lettre la directive européenne instaurée début mars. Le texte stipule que seuls ceux ne pouvant rentrer dans leur pays « dans des conditions sûres et durables » doivent être pris en charge au même titre que les Ukrainiens. Les étudiants originaires de pays dits sûrs ne sont donc pas concernés par ce titre de séjour exceptionnel.
Résultat : avant le moratoire du 3 juillet, les décisions d’expulsions se sont multipliées ces dernières semaines pour les personnes non-ukrainiennes, sommées de rentrer chez elles.
Des informations parcellaires
Nissia en fait partie. Cette étudiante algérienne en paramédical à la faculté d’Odessa, dans le centre de l’Ukraine, a reçu début mai une OQTF. La jeune femme de 28 ans avait pourtant été admise à la faculté de Bordeaux.
Contactée par InfoMigrants après les annonces de Joseph Zimet, elle se dit « soulagée par cette nouvelle information« . Cependant, son sort reste incertain et elle ne peut s’empêcher d’être inquiète pour son avenir. « Pour l’instant, je ne sais pas à qui m’adresser et quelles démarches entreprendre pour régulariser ma situation. Est-ce que mon OQTF va me porter préjudice pour reprendre contact avec la faculté ? », s’interroge la jeune femme.
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Car, pour l’heure, les déclarations des autorités sur le moratoire demeurent floues et parcellaires. Contacté par InfoMigrants, le ministère de l’Intérieur n’a pas souhaité nous donner plus de précisions. « Le préfet Zimet a donné une interview au Monde, nous n’avons pas plus d’éléments à apporter », a déclaré mercredi place Beauvau.
Des associations sur la réserve
Les associations d’aide aux exilés, de leurs côtés, se disent satisfaites de ce changement de doctrine mais se montrent prudentes. « On verra en septembre ce qu’il en est et si les personnes concernées sont parvenues à s’inscrire », prévient Gérard Sadik de la Cimade, joint par InfoMigrants. L’association continue de réclamer le même traitement que pour les Ukrainiens, à savoir la protection temporaire.
Pierre Henry, directeur de l’association France Fraternités, salue « une première avancée allant dans le bon sens ». Très engagé sur le sujet, il espère néanmoins que les conditions de ressources demandées pour l’obtention du visa étudiant ne représenteront pas un frein. « Ce motif ne peut pas être un élément déterminant, car en Ukraine le niveau de vie est moins élevé et les besoins des étudiants étaient de fait moindres qu’en France », rappelle-t-il. Ce dernier exhorte les autorités à traiter les dossiers au cas par cas pour ne « pas revenir à la case départ« .
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Dans son interview au Monde, Joseph Zimet estime que le nombre de personnes éligibles au visa étudiant s’élève à 200 – sans préciser comment les autorités ont réussi à dégager ce chiffre. Les militants sont songeurs. « Comment les sélectionnent-ils ? Je ne pense pas qu’il connaisse les dossiers des 1 000 étudiants étrangers », lâche Gérard Sadik.
Même son de cloche chez Pierre Henry, qui juge les données avancées par l’État prématurées. « Ces gens sont francophones et ont entamé des études en Ukraine. Il faut arrêter de se leurrer, ils ne repartiront pas dans leur pays car la guerre a brisé leur rêve professionnel. Il faut travailler sérieusement à un statut pour eux« , insiste le président de France Fraternités.