L’avenue des Aygalades, dans le quinzième arrondissement de Marseille, portera le nom d’Ibrahim Ali, ce jeune homme assassiné en 1995 par des colleurs d’affiche du Front national. L’aboutissement d’un long combat mené par ses proches.
article par Margaid Quioc publié sur le site france3-régions.francetvinfo.f, le 03 02 2021
C’est une longue avenue qui serpente dans le 15e arrondissement de Marseille, entre des entrepôts et le ruisseau des Aygalades. Elle a été en 1995 le théâtre de l’assassinat d’un jeune garçon de 17 ans. Elle portera bientôt son nom
Samia Ghali, la troisième adjointe au maire de Marseille et ancienne maire de ce secteur l’a annoncé ce mardi sur Twitter. Un rapport sera proposé au vote lors du conseil municipal du 8 février prochain.
Le 8 février lors du Conseil, la mémoire et l’histoire d’#IbrahimAli seront enfin reconnues par la Ville de @marseille. Nous l’avons espéré, sans jamais rien lâcher, je suis émue de vous annoncer que l’avenue des Aygalades portera enfin officiellement le nom d’#IbrahimAli. pic.twitter.com/u7QVvDjUiZ
— Samia GHALI (@SamiaGhali) February 2, 2021
« C’est une très bonne nouvelle, c’est l’aboutissement de 26 ans de combat« , se réjouit Mohamed « Soly » Mbaé, ami de Ibrahima Ali. Il est médiateur au sein de B.Vice, association culturelle basée dans le quartier populaire de la Savine.
B.Vice, du nom du groupe de rap que Ibrahim Ali, 17 ans, formait avec ses amis. Le 21 février 1995, ils rentrent d’une répétition lorsqu’ils croisent la route de colleurs d’affiches du Front national. Ibrahim Ali est tué d’une balle dans le dos. Robert Lagier, l’auteur du coup de feu mortel est condamné à 15 ans de réclusion criminelle. Il mourra en prison. L’autre tireur, Mario D’Ambrosio, avait été condamné à dix ans de prison, et le troisième agresseur, Pierre Giglio, responsable du groupe qui faisait alors la campagne présidentielle de Jean-Marie Le Pen, à deux ans de prison dont un avec sursis.
« Depuis c’est notre combat, rappeler qu’un minot a perdu la vie parce qu’il était noir« , rappelle « Soly » Mbaé. Depuis, les proches de Ibrahim Ali se battent pour faire vivre la mémoire du drame. En demandant l’attribution d’une rue à son nom. Mais aussi avec des hommages chaque 21 février, à l’endroit où Ibrahim Ali a été tué.
« Jean-Claude Gaudin [maire de Marseille de 1995 à 2020 ndlr] ne s’est jamais déplacé », regrette Mohamed « Soly » Mbaé. « C’est très éprouvant pendant 26 ans de ne pas avoir eu d’interlocuteur compatissant à la mairie. »
En 2020, un rond-point est inauguré en bas du quartier de la Savine. Pas suffisant pour les proches d’Ibrahim Ali, qui ont toujours revendiqué un lieu de mémoire à l’endroit du drame.
Le changement de majorité lors des dernières élections municipales a changé la donne. Dès le mois de juillet, à peine installée dans son éphémère fauteuil de maire, Michèle Rubirola, annonçait que la commission des noms de rue de la municipalité avait le dossier en main.
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La validation par le conseil municipal devrait permettre la pose des nouvelles plaques de rue pour le 21 février prochain, 26e anniversaire du drame. « Le maire m’a assuré qu’il serait là ce jour-là pour les inaugurer« , affirme Samia Ghali.
« C’est important pour les enfants de Marseille, pour se rappeler ce crime raciste 26 ans après« , appuie l’élue des quartiers Nord. « C’est notre histoire, l’histoire de Marseille. Et c’est mon histoire aussi. J’ai grandi dans ces quartiers, j’aurais pu être Ibrahim Ali. »
Pour Mohamed « Soly » Mbaé, l’inauguration de la plaque de rue au nom de son ami ne marquera pas la fin de sa lutte.
« Je combat contre le FN. C’est incroyable que dans une ville comme Marseille ces idées gagnent du terrain. » Avec B.Vice, il enchaine les interventions dans les écoles. « A chaque fois je leur parle d’Ibrahim Ali, du FN. Et je leur dit d’aller voter.«