Racistes de tout poil, passez votre chemin. C’est ce que demande un Franprix du 19e arrondissement de Paris. Scotchée à la porte de la supérette, l’affichette dénonce de « trop nombreux problèmes, que d’aucuns trouvent normal et qui tournent toujours autour de la couleur des employés ! » Une seconde feuille de papier rappelle qu’ici « travaillent des Arabes, des Noirs, des Asiatiques, des juifs, des Blancs et autres » et demande à la clientèle de « respecter les femmes ». L’affichette a suscité de nombreux commentaires sur Twitter, où elle a été partagée, samedi 5 mai.
Publié sur le site de Franceinfo, le 07 05 2018
« Les insultes viennent de tous les côtés »
« Les insultes racistes viennent vraiment de tous les côtés, explique à franceinfo Jean-Jacques, responsable du magasin et auteur de l’écriteau. C’est quotidien et ça ne s’arrête jamais. » Le gérant assure qu’aucun incident en particulier n’a motivé son geste : il dit avoir agi par colère et par lassitude et ne souhaite pas s’étendre longuement sur le sujet. Il a bien déposé plainte à deux reprises après des incidents, il y a quelques années, mais en vain : « Ça ne servait à rien. » Alors il a décidé de tenter quelque chose de nouveau. « Après je ne sais même pas si ça, ça va servir à quelque chose », confie-t-il.
Moi je suis juif, ma compagne est italienne. Une de mes employées est chinoise. On a tous reçu beaucoup d’insultes, c’est insupportable.à franceinfo
Une clientèle très diverse fréquente cette supérette : des étudiants, qui viennent y faire leurs achats avant de pique-niquer au bord du bassin de la Villette ; des personnes âgées du quartier, qui connaissent tous les employés et leur serrent la main en demandant des nouvelles ; des enfants, skate et liste de courses à la main. Tous les clients interrogés par franceinfo saluent l’initiative du gérant.
« Une affichette, ça ne va pas éduquer grand monde »
Généralement, les clients aperçoivent le fameux message en attendant leur tour pour passer à la caisse. « C’est quoi cette histoire de racisme. C’est vrai ? », s’étonne Jean-Pierre, un quadragénaire, en vidant son cabas sur le tapis roulant. « Moi ça ne m’est jamais arrivé, mais mes collègues oui, régulièrement », lui avoue Ahmed, le caissier. Même s’il trouve que l’idée est bonne, Jean-Pierre juge « choquant d’avoir à mettre ce genre d’avertissement à l’entrée d’une supérette en 2018, surtout dans un quartier aussi mélangé que celui-ci : ça prouve bien que la France n’est pas aussi ouverte qu’elle le pense. »
Cette initiative permet au moins aux employés de se sentir épaulés par leur direction et leurs clients.à franceinfo
Les employés de Jean-Jacques, en revanche, étaient plus frileux. « Je reconnais qu’on a eu des réactions positives, mais ça ne servira à rien, estime Diane, employée depuis six ans dans le magasin. Une affichette, ça ne va pas éduquer grand monde. » A l’arrière de la camionnette qu’il doit décharger, Samir glisse qu’au départ, il n’était pas d’accord avec l’idée de son patron. « J’avais peur que les gens fassent encore plus d’histoires », dit-il. Entre deux palettes, il reconnaît finalement que « tout s’est bien passé ».