Son nom était associé au combat antiraciste qui avait émergé au début des années 1980 dans le sillage du Parti socialiste. Engagé dans la Seine-Saint-Denis, où il avait été adjoint au maire de Noisy-le-Sec, Nasser Ramdane Ferradj avait été porte-parole du mouvement lycéen de 1990. Il est mort le 20 avril, à l’âge de 49 ans.
article par Abel Mestre publié sur le site lemonde.fr, le 26 04 2021
C’est toute une génération, celle des « potes » et de SOS-Racisme, qui est endeuillée. La mort, le 20 avril, de Nasser Ramdane Ferradj, né en 1972, a suscité une vague d’émotion dans le monde militant de gauche. Dominique Sopo, président de SOS-Racisme, a salué dans un texte « un militant acharné ». Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, lui a ainsi rendu hommage sur Twitter : « Je n’ai jamais rencontré Nasser Ramdane, mais je mesure la trace qu’il a laissée à la lecture des messages émouvants de ses “potes” de SOS-Racisme. »
Car avec Nasser Ramdane Ferradj disparaît tout un pan du militantisme parasocialiste, celui qui a émergé dans les années 1980 et 1990 autour du combat antiraciste et dont l’homme de 49 ans était une incarnation. Issu d’une famille immigrée – ses grands-parents avaient combattu pour l’indépendance de l’Algérie –, Ramdane Ferradj se souvenait que l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir en 1981 était vue avec beaucoup de méfiance dans son foyer. Mais la réception, à l’Elysée, des jeunes de la Marche pour l’égalité et contre le racisme est un événement marquant : « Je me rappelle la satisfaction de tous ces jeunes qui avaient obtenu un statut pour leurs parents, la carte de séjour de dix ans. » Quelque temps plus tard, en 1986, le mouvement étudiant contre la loi Devaquet et la mort de Malik Oussekine est un autre tournant.
C’est donc tout naturellement qu’il adhère en 1988 à SOS-Racisme et, un an plus tard, à la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL), un syndicat lycéen proche du PS et en particulier de l’animateur de son aile gauche, Julien Dray. Ce dernier chapeaute aussi SOS-Racisme. En 1990 éclate un mouvement lycéen qui demande des « moyens » au ministère. Mitterrand est à l’Elysée, Michel Rocard, à Matignon, le ministre de l’éducation est Lionel Jospin. Dray bombarde Ramdane Ferradj porte-parole du mouvement. « J’étais devenu sans le savoir le bras armé de Julien Dray dans sa guerre contre Lionel Jospin et Michel Rocard. Ce dernier n’avait pas pris Julien dans son gouvernement, et Julien était persuadé que la faute en revenait à Lionel », racontera-t-il en 2010.
« Beur de service »
Mitterrand, qui voit l’occasion de porter un coup à son ennemi intime, Michel Rocard, reçoit la délégation lycéenne. A la sortie, Ramdane Ferradj prononce une phrase qui restera dans les mémoires socialistes : « Le président de la République a entendu nos revendications ; c’est maintenant au gouvernement Rocard de prendre ses responsabilités. » C’est à cette époque qu’il rencontre Delphine Batho. Celle qui deviendra députée écologiste des Deux-Sèvres est avec lui la leadeur de la FIDL. Elle garde le souvenir de « quelqu’un de courageux, déterminé. C’était un militant de terrain, associatif. Quelqu’un de très attaché à son département, la Seine-Saint-Denis ».
Après le mouvement, Nasser Ramdane Ferradj crée l’Organisation des banlieues unies, toujours dans la sphère d’influence de SOS-Racisme dont il devient vice-président en 1996. Quatre ans plus tard, en 2000, le « drayiste » abandonne la maison socialiste pour se tourner vers le Parti communiste, dans le sillage de Fodé Sylla, ancien président de SOS-Racisme qui avait conduit la liste Bouge l’Europe !, soutenue par le PCF, aux européennes de 1999. Mais l’expérience tourne court : il claque la porte en 2003, disant avoir été utilisé comme « beur de service ». Concomitamment, il s’engage dans la vie politique locale à Noisy-Le-Sec dont il deviendra adjoint au maire (2008-2010) dans l’équipe socialiste.
Toujours fidèle à SOS-Racisme dont il était encore l’une des figures aux côtés de M. Sopo, Nasser Ramdane Ferradj s’était passionné pour le Hirak en Algérie. Mais il est surtout beaucoup intervenu, depuis les attentats de 2015, à la fois en faveur d’un antiracisme « universaliste », d’une République laïque – d’où la création de son Collectif des musulmans progressistes et laïques –, mais aussi contre les attaques racistes que subissent les Français musulmans de la part de l’extrême droite. L’un de ses derniers coups d’éclat a eu lieu en 2019. Invité sur CNews, il en profite pour dire tout le mal qu’il pense de la chaîne, avant de quitter le plateau : « Votre chaîne fait commerce de la haine, je pense qu’il faut la boycotter. »
1972 Naissance
1988 Adhère à SOS-Racisme
1989 Entre à la Fédération indépendante et démocratique lycéenne
1990 Porte-parole du mouvement lycéen
2008-2010 Adjoint au maire de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis)
20 avril 2021 Mort