Le tribunal de grande instance de Paris a confirmé le blocage de ce portail d’extrême droite, qui a pris pour cibles de nombreuses personnalités publiques.
Le site Internet raciste, antisémite et homophobe Démocratie participative va être bloqué en France. Ainsi l’a ordonné le tribunal de grande instance de Paris, dans une décision rendue mardi 27 novembre. Le procureur de Paris avait déjà ordonné début octobre à neuf fournisseurs d’accès à Internet français, dont les principaux comme Orange, Free ou Bouygues Telecom, de rendre impossible l’accès depuis la France à ce site Internet, dont la violence n’a pas d’équivalent dans la nébuleuse d’extrême droite.
La décision du tribunal de grande instance oblige désormais les fournisseurs d’accès à rendre ce blocage effectif sur le territoire français dans les quinze prochains jours. Passé ce délais, ils seront condamnés à payer 10 000 € par jour de retard, si ce blocage n’est pas mis en place. « Je me félicite vraiment de cette décision. Je n’ai pas de doute sur le fait que les fournisseurs d’accès coopèrent pour la mettre en œuvre », indique au Monde Frédéric Potier, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), qui s’est mobilisé sur le dossier.
Créé en 2016, Démocratie participative a multiplié les articles débordant d’injures antisémites, homophobes, antimusulmanes et racistes. De nombreuses personnalités publiques y sont traitées de « youpins », de « nègres » ou, pour les personnes homosexuelles, de « dégénérés ».
Une procédure rare
La demande du parquet de Paris est une mesure rare. La justice, du siège comme du parquet, ne s’est que rarement aventurée vers le blocage judiciaire d’un site Internet raciste, par méconnaissance des textes ou par frilosité à appliquer des lois jugées trop floues. Comme ont pu le constater procureurs et juges à l’audience, la loi française dispose pourtant d’outils pour bloquer un site Internet lorsque les circonstances l’obligent. « Ce blocage est une décision importante, car elle va faire précédent : cette victoire en appelle d’autres », ajoute Frédéric Potier, en réaction à l’annonce du tribunal de grande instance de Paris.
C’est aussi une mesure en dernier recours. « Nous n’avons pas eu d’autre choix que d’agir sous la forme de référé, (…) nous aurions souhaité plutôt être devant une instance pénale », a souligné la magistrate lors de l’audience, qui s’est tenue le 8 novembre. Une référence à l’impossibilité, depuis de longs mois, de traduire devant la justice les auteurs du site pour juger leurs propos sur le fond.
A l’audience, le caractère odieux du site et des propos qu’il relaie n’ont fait aucun débat et les fournisseurs d’accès à Internet, lesquels bloquent régulièrement des sites de paris en ligne illégaux sur instruction de la justice, n’ont fait part d’aucune difficulté, ni sur le fond, ni sur la forme.
Plusieurs associations antiracistes (SOS Racisme, Licra, MRAP…), de lutte contre l’antisémitisme (CRIF…) et l’homophobie (SOS Homophobie) et certaines victimes du site étaient, par le biais de leurs avocats, présentes à l’audience, notamment les youtubeurs Marie S’infiltre et Aurélien Enthoven, l’ancien bâtonnier du barreau de Grenoble Denis Dreyfus ou encore Marc Knobel, directeur des études au Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF).
Dans un communiqué diffusé mardi, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a salué « une décision qui intervient dans un contexte de regain du racisme et de l’antisémitisme, dont les chiffres ont montré une augmentation de 69 % sur les neuf premiers mois de l’année ».
« Nous attendons de cette décision qu’elle ouvre la voie à d’autres actions des pouvoirs publics pour neutraliser des individus comme Alain Soral qui, chaque semaine, incite à la haine sur internet et les réseaux sociaux, se sert des salles d’audience comme de tribunes politiques et déverse la haine de l’autre en toute impunité », a également déclaré Sacha Ghozlan, le président de l’UEJF, qui s’était portée partie civile.
Un auteur soupçonné et multicondamné
Le site Démocratie participative est actuellement sous le coup d’une dizaine d’enquêtes, diligentées un peu partout en France à la suite de signalements d’internautes ou de plaintes de victimes. Jusqu’ici, aucune d’entre elles n’a permis de mettre fin à l’activité de ce site.
Les services de police ont, cependant, formé de solides soupçons quant à l’identité du principal tenancier du site. Selon une note conjointe de la Direction générale de la police nationale (DGPN) et de la préfecture de police (PP) que Le Monde a pu consulter en octobre, il s’agirait de Boris Le Lay, une des figures de la « fachosphère ».
Déjà condamné en son absence à de nombreuses reprises, notamment pour diffamation et injure, il fait l’objet de treize mandats de recherche, d’une notice rouge d’Interpol et d’une fiche « S ». Les autorités françaises n’ont, pour l’instant, pas réussi à obtenir son extradition du Japon où il réside.