Khansaa, une pharmacienne en première ligne contre la Covid, naturalisée Française

Khansaa Belkasseh, une jeune femme marocaine a obtenu la nationalité française le 23 décembre. Sa demande de naturalisation a été traitée en priorité en raison de son engagement contre la Covid-19. Comme elle, ils sont près de 700 travailleurs étrangers « en première ligne » à avoir obtenu leur naturalisation.

article par Emmanuelle Hunzinger publié sur le site france3-regions.francetvinfo.fr le 03 01 2021 

Khansaa est une jeune femme de 28 ans née au Maroc. Elle est arrivée en France en 2010 pour suivre des études de pharmacie. Docteur dans sa spécialité, elle est embauchée dans une officine du 11e arrondissement à Paris. Lors du premier confinement, elle est « en première ligne » dans cette pharmacie de quartier.

« J’ai été beaucoup sollicitée comme plein d’autres professionnels de santé. Beaucoup de traitements ont été interrompus dans les hôpitaux et les patients sont venus nous voir. Nous n’étions pas forcement préparés à cela. Nous avions évidemment la mission de distribuer et vendre des masques ou des gels mais nous avions également beaucoup d’autres missions comme par exemple assister les femmes battues, écouter la détresse psychologique de certains. Les personnes âgées se sont senties isolées et abandonnées« , explique Khansaa Belkasseh. « D’autant plus que nous sommes comme dans un village, nous connaissons tous nos clients, leurs prénoms, celui de leurs enfants. Nous avons eu également des décès, des personnes que nous connaissions. Cela a été très dur de les voir partir« , avoue-t-elle.

Au même moment en février dernier, la jeune femme se décide enfin à franchir le pas. Elle demande la nationalité Française.

« Je n’ai pas demandé ma naturalisation tout de suite, car je ne me sentais pas prête. Je voulais avoir un dossier béton. Et puis une fois que l’on est inséré professionnellement, c’est un peu frustrant, on paye des impôts mais vous n’êtes pas représenté, vous ne pouvez pas voter. Quand je me suis sentie prête, j’ai envoyé ma demande à la préfecture de Paris. Je savais que cela allait être long« .

L’attente commence ponctuée de quelques rendez-vous administratifs. « En août, j’ai passé un entretien qui s’est très bien passé. La personne a vérifié mes titres de séjour, mes fiches de paie. Elle m’a posé quelques questions sur mes connaissances en français, en histoire. Si je connaissais les rois de France, le traité de Rome, le traité de Maastricht« , explique la jeune femme.

L’attestation Schiappa qui promettait la naturalisation

Professionnels de santé, femmes de ménage, garde d’enfants, caissiers… Ils ont prouvé leur attachement à la nation, c’est désormais à la République de faire un pas vers eux 

Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté

Mi-septembre, Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté rattachée au ministère de l’Intérieur propose que les procédures d’accès à la nationalité française soient accélérées pour toutes les personnes ayant « contribué activement » à la lutte contre le Covid-19.

« J’ai effectivement entendu parler de la proposition de la ministre. J’ai donc envoyé l’attestation de mon travail de pharmacienne et j’ai été informée que mon dossier serait examiné prioritairement« , relate Khansaa

Le 23 décembre, 7 heures du matin, » il y a ton nom !« 

« On m’a indiqué que si ma naturalisation était acceptée, mon nom apparaîtrait au Journal Officiel », raconte Khansaa. Chaque matin, la jeune femme se connecte et scrute les pages du Journal Officiel.

« Le premier jour de mes vacances, j’étais vraiment fatiguée je me suis dit, tant pis, je ne vais pas mettre le réveil pour regarder le JO, je vais dormir et au pire si je suis française à 7 heures je serai toujours française à 10 heures et là je reste au lit« , sourit Khansaa. « D’un coup on me réveille et j’entends : il y a ton nom ! Il y a ton nom ! C’était le début des meilleures vacances de ma vie. C’était le plus beau cadeau de Noël que l’on m’ait jamais fait ! Difficile de faire mieux« , s’exclame-t-elle.

Double nationalité, double culture,

Depuis le 23 décembre Khansaa est française mais elle garde la double nationalité.

« Je reste tout autant Marocaine que Française. J’ai une double culture, j’ai grandi au Maroc mais je suis toujours allée à l’école Française à Casablanca. J’ai toujours été éduquée avec la double culture. La France est mon deuxième pays« , explique la jeune femme. « J’ai toujours pris pour acquis que j’étais une femme libre, indépendante avec ma liberté de paroles et de penser et cela grâce à la France. Ce n’est pas cela dans tous les pays ». C’est à la fois un honneur d’être française et un hommage à la France qui m’a aidé à me construire comme je suis« , conclut-elle.

Ne reste plus qu’ à Khansaa de faire sa demande de carte d’identité et de passeport. Elle dit attendre avec impatience les prochaines élections pour voter.

Comme elle, près de 700 travailleurs étrangers en première ligne depuis le début de la crise du coronavirus ont été naturalisés. En trois mois, 2 890 demandes ont été enregistrées par les préfectures pour ce motif.

En 2019, plus de 112 000 personnes ont acquis la nationalité Française, dont plus de 48 000 par naturalisation, une procédure en net recul (- 10 %) comparée à l’année précédente.