Jeux olympiques : Clarisse Agbegnenou et Samir Aït Saïd, porte-drapeaux des Bleus

La quintuple championne du monde de judo et le gymnaste, gravement blessé lors des Jeux de Rio, ont été désignés porte-drapeaux de la délégation française, lundi.
article par Clément Martel publié sur le site lemonde.fr le 05 06 2021

La favorite et l’outsider.  A l’image de certaines compétitions sportives, la course au porte-drapeau de l’équipe de France olympique a sacré une sportive attendue et un revenant. Départagés par des « ambassadeurs » de chaque fédération olympique parmi douze candidats, la judoka Clarisse Agbegnenou et le gymnaste Samir Aït Saïd succéderont, vendredi 23 juillet, à la star du judo français, Teddy Riner, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Tokyo 2021. Les porte-drapeaux pour les Jeux paralympiques, Sandrine Martinet (judo) et Stéphane Houdet (tennis), ont, eux, été désignés par un vote du public sur Internet.

Pour la première fois, l’olympisme français a choisi de désigner un binôme, un homme et une femme, pour mener la délégation française au fil des Jeux, comme le permet désormais le Comité international olympique (CIO). Et la judoka de 28 ans a notamment été préférée à la lanceuse de disque Mélina Robert-Michon, en argent à Rio, et cinq éditions olympiques au compteur. Régnant sur sa catégorie des moins de 63 kg, la jeune femme a raflé les quatre derniers titres mondiaux (et cinq au total), mais court après son « étoile manquante », le sacre olympique qui lui a échappé il y a cinq ans – battue en finale par la Slovène Tina Trstenjak.

Clarisse Agbegnenou a savouré, lundi, un moment « unique », qui ajoute à son « année folle ». « Pour plein d’athlètes, c’est déjà compliqué d’aller aux Jeux olympiques, or, pour être porte-drapeau, il faut déjà avoir fait les JO. Je suis très honorée car, en équipe de France, il y a pas mal de pépites. »

Si Agbegnenou est plus gros palmarès du judo hexagonal au féminin, et a remporté l’argent à Rio, son binôme de drapeau n’a pas le même pedigree. Et pour cause, le palmarès olympique de Samir Aït Saïd est vierge, et le gymnaste a parfois été surnommé le « maudit des Jeux ». Deux fois, il s’est qualifié pour les Jeux olympiques. Mais en 2012, à trois mois de la grand-messe de Londres, le gymnaste français s’est blessé lors d’un championnat d’Europe. Revenu, il visait l’or à Rio, aux anneaux. Mais le 6 août 2016, à la suite d’une mauvaise réception lors d’un saut, le Français s’effondre, la jambe gauche en équerre. Double fracture ouverte tibia-péroné, et des rêves olympiques envolés en qualifications, alors qu’il pouvait viser une médaille.

Porte-drapeau : « une fierté indescriptible » pour le « revenant » Aït Saïd
En cet été 2016, la blessure fait redouter une fin de carrière abrupte pour le gymnaste français. Qui refuse, mental d’acier à l’appui, de céder à la fatalité. De retour au plus haut niveau, Samir Aït Saïd décroche son sésame pour les Jeux de Tokyo à l’automne 2019. Avant de mettre à profit l’année supplémentaire « offerte » par la pandémie mondiale liée au nouveau coronavirus pour parfaire son entraînement.

« C’est une fierté indescriptible, surtout pour un mec comme moi, a-t-il expliqué lundi en conférence de presse. Je ne m’y attendais pas, car il y avait du lourd en face. » Il devance notamment les champions olympiques de Londres, Florent Manaudou (natation) ou Renaud Lavillenie (saut à la perche). Nouvelle patronne du Comité national olympique français (CNOSF), Brigitte Henriques a confié avoir dû rassurer le gymnaste dimanche, quand elle lui a annoncé la nouvelle par téléphone. « Il y a eu un blanc de deux ou trois minutes, et il m’a demandé si c’était bien lui que j’appelais. »

Premier gymnaste français désigné porte-drapeau, Samir Aït Saïd n’aura pas le temps de récupérer après la cérémonie d’ouverture des Jeux. Dès le lendemain, samedi 24 juillet, il remisera l’étendard et délaissera les cinq anneaux olympiques surplombant le stade pour réempoigner ceux de son agrès de prédilection, en qualifications. En espérant réussir sa compétition, pour ne plus être « celui qui s’est blessé à Rio ».

Désormais, Samir Aït Saïd est aussi « celui qui va porter le drapeau ». Mais comme sa camarade de hampe, il ne vise que l’or. « Etre porte-drapeau, c’est magnifique, mais je veux aller à Tokyo pour être champion olympique. Je ne veux pas m’éparpiller, et jusqu’à ce que ma finale soit passée, je veux rester dans ma bulle. Ça tombe bien, parce qu’on sera déjà dans une bulle. » En raison de la crise sanitaire, les détails de la cérémonie d’ouverture demeurent sous cloche, mais les deux nouveaux capitaines des Bleus olympiques savent déjà l’énergie qu’ils entendent apporter à ce rôle. « Avec Samir, on va amener de la joie et de la bonne humeur », a souri Agbegnenou.

Clément Martel