Savoir que, dans un pays de l’Union Européenne, berceau de la démocratie, des hommes, des femmes et des enfants sont au mieux totalement abandonnés voire même rejetés comme des chiens parce qu’ils fuient des pays en guerre me fait honte.
Hussein a dix ans. Il a froid. Il a faim. Il survit dans un camp. Il est orphelin. Il est la proie facile de bien des prédateurs.
Les récits des témoins des atrocités qui se déroulent dans les camps de réfugiés de Lesbos, Samos, Chios, Leros et Kos me glacent. Plus de 38.000 migrants s’entassent déjà dans ces camps, officiellement prévus pour 6.200 personnes.
Ces camps sont devenus des zones de non-droit dans lesquelles il n’y a plus la moindre notion de dignité humaine. L’eau, l’électricité, la nourriture, le chauffage (là où il ne fait parfois que 3 degrés en journée), l’hygiène la plus élémentaire manquent cruellement dans ces camps. Les ONG ne peuvent même plus y exercer normalement, la sécurité de leurs membres n’étant plus assurée.
J’ai honte de nos gouvernants qui ont préféré payer la Turquie pour qu’elle gère des centaines de milliers de réfugiés. Cette politique mène aujourd’hui à cet horrible chantage dont les candidats réfugiés sont les seules victimes. Qu’est-ce que cette Europe qui monnaie ainsi ses frontières ?
Il y a quelques jours, appuyés par un lourd déploiement de policiers antiémeute, les bulldozers ont commencé à creuser pour créer le centre de rétention fermé destiné aux personnes qui arrivent de Turquie en Europe, sur les îles grecques. Cela a lieu en pleine offensive sur Idlib, et en pleine nouvelle crise des réfugiés que l’Europe laisse la Grèce régler, seule, à sa place. Lesbos est à 12 kilomètres de la Turquie.
C’est pourtant cette Europe qui déclare que l’Union « se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l’Etat de droit » comme l’énonce le préambule de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
J’ai honte de constater que l’Europe n’est pas capable de gérer, dans la dignité, avec humanité, la crise des réfugiés. Le camp de Lesbos a été créé en 2015 !
J’entends déjà la réponse : nous ne pouvons tout de même pas accueillir toute la misère du monde ! Un tel argument est-il simplement audible lorsque nous savons que des centaines de milliers de personnes vivent en enfer simplement parce qu’elles fuient les zones de conflits ? Nous avons la mémoire courte. En 40, quand nos parents, grands-parents ou arrière-grands-parents fuyaient la guerre sur les routes de France, on ne semblait pas se poser ces questions.
Peut-on, dans ce réflexe de repli sur soi, abandonner des centaines de milliers des personnes aux portes de nos pays ?
Bien entendu, c’est facile, dans mon bureau de la Maison de l’Avocat, d’écrire que j’ai honte de l’Europe. Sans doute. Mais je préfère l’écrire que d’être le complice d’un drame, que certains appellent déjà de crime contre l’humanité, en me taisant. Je préfère écrire à nos gouvernants, belges et européens, pour dénoncer cette passivité plutôt que de ne rien faire.
Des avocats ont eu le courage de se rendre dans ces camps pour tenter d’aider ces candidats réfugiés, travaillant, quand c’était simplement possible, dans des conditions inhumaines et infernales. Ils ont offert leur aide pour permettre à des hommes et des femmes de tenter de rester dignes, de garder espoir. Ils sont la grandeur de notre profession. J’ai honte de ce que nous laissons vivre dans notre Europe mais je suis fier de connaître quelques-uns de ces avocats. Leur dévouement est exceptionnel.
En complément cette tribune signée par des associations ou fédérations de juristes principalement bleges, grècques et turques : Extrait : « Le droit international est bafoué au sein même de l’Union. Avec d’autres associations, nous avons décidé de le dénoncer. Nous devons agir ! Nous sommes aussi les porte-paroles des plus faibles, des plus fragiles. Nous tenterons de proposer des actions concrètes pour permettre à tous ces êtres humains de rester simplement … humains, pour permettre à Hussein, dix ans, d’avoir encore un peu d’espoir. »