Le fait d’appartenir à un groupe, une communauté, exacerbe les choses. «Prier en promenade, par exemple, ça te mène au mitard. Mais quand tu sors, imagine ce qu’en pensent les frères ! T’as leur sympathie.» Très vite, Mohamed se mue en «radicalisateur». C’est à son tour de «bouffer le cerveau» des nouveaux venus. «Tu t’attaques à la structure familiale pour qu’il se sente incompris par sa famille, pour que l’islam soit son seul repère. Et tu n’es pas clair sur les sujets comme la guerre, tu n’entres pas dans les détails», décrit-il. Autre méthode : rendre des services, comme dégoter un téléphone à un «frère». «C’est le principe de la mafia sous couvert de la radicalité islamique.»
«Tous les matons chantaient « Jean-Marie » dans les couloirs»
Mohamed revient également sur l’attitude de l’administration pénitentiaire, qu’il juge sévèrement. «Elle met de l’eau à notre moulin. Une fois, je faisais ma prosternation en cellule. Un surveillant entre, fouille, retourne tout, marche sur mon tapis de prière. Quand on abîme ton Coran, tu vis ça comme une humiliation.» Les réflexions racistes de certains agents n’arrangent pas les choses. L’homme se souvient par exemple de la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle de 2002 : «Tous les matons chantaient « Jean-Marie » dans les couloirs.» Et de décrire : «Ils font la misère à tous les musulmans, ça solidifie le groupe. Le seum [la colère, ndlr], il vient tout seul.» Pour lui, la fragilité de certains de ses codétenus, «des gamins envoyés en prison pour trois barrettes de shit», facilite les choses : «C’est normal que des mecs comme moi arrivent à leur monter la tête.»