Bien sûr, cet exemple peut aujourd’hui paraître daté. L’homme, désormais âgé d’une quarantaine d’années, ne fait pas partie de la vague de jihadistes partis grossir les rangs de l’Etat islamique dans la zone irako-syrienne. Celui que les surveillants pénitentiaires surnommaient parfois «Oussama ben Laden» appartient à la génération précédente, davantage attirée par le Pakistan et l’Afghanistan. Et c’est à la fin des années 2000 qu’il commence à «décrocher», bien avant la montée en puissance de Daech. Mais pour Claire Robiche, «la façon d’embrigader les gens, elle, n’a pas tellement changé». Et les points communs avec les nombreux récits de radicalisation collectés ces dernières années sont, en effet, édifiants. La description de l’univers carcéral est tout aussi intéressante, même si l’administration a tenté, ces dernières années, de modifier sa gestion du phénomène, entre unités dédiées et autres stages de citoyenneté.
«Tu t’attaques à la structure familiale pour qu’il se sente incompris»
Quand Mohamed entre en prison, il a 18 ans et compte déjà quelques passages dans des établissements pénitentiaires pour mineurs. Le choc est rude. «Il y avait beaucoup de haine, de violence, je me trouvais plongé dans un monde d’adultes», raconte-t-il. A la recherche de repères, il fait la rencontre dans les cours de promenade de «frères» musulmans. «Il avait été initié à l’islam par son grand-père, précise la documentariste. C’était un bagage assez classique, qui s’est exacerbé en prison.» Mohamed sympathise avec un «frère» qui l’impressionne, avec son kamis, sa barbe, le khôl aux yeux.