« Femme, Vie, Liberté » : Humanit’Elles décrypte la résistance des Iraniennes, 3 ans après la mort de Mahsa Amini

Jina Mahsa Amini, une jeune femme kurde de 22 ans, décédait le 16 septembre 2022 après avoir été arrêtée à Téhéran par la police des mœurs. Sa mort a déclenché un mouvement inédit en Iran au sein duquel les femmes ont été les actrices principales et les pionnières. En dépit de la répression sanglante, le mouvement a duré jusqu’en avril 2023.

« Femme, Vie, Liberté » dit clairement la volonté des Iraniennes et des Iraniens de s’affranchir de la tutelle de la religion politique et de conquérir leurs droits fondamentaux.

Humanit’Elles, le portail de ressources documentaires sur les femmes et l’identité de genre, propose une analyse de cette insurrection dans un long article très documenté.

Nous vous en proposons 2 extraits :

femme vie liberté, analyse du mouvement

Après avoir interpellé et interrogé les contrevenantes au hijab, la police des mœurs, Gasht-e Ershad, les escorte généralement jusqu’au fourgon de police qui les conduit au commissariat central. L’attitude de la police serait respectueuse envers les femmes selon les sources officielles. Mais différents témoignages décrivent diverses formes de violences et comportements méprisants à l’égard des femmes arrêtées : la menace d’exclusion du lieu de travail ou d’études, la violence physique, la violence verbale, la violence psychologique, la violence sur les biens, la violence verbale directe ou indirecte à l’égard des familles, la violence symbolique de l’atteinte à l’honneur et à la dignité en présence de la famille, la menace de violences sexuelles et physiquesla menace d’exclusion du lieu de travail ou d’études.
Les femmes sont victimes d’un traumatisme durable 19.

Ôter le voile : franchir une ligne rouge

Une jeune femme, de retour de Téhéran où elle n’était pas retournée depuis l’assassinat de Jina Mahsa Amini, a pu recueillir des témoignages d’hommes 138 :

 

« Monsieur, ça ne vous dérange pas toutes ces femmes découvertes ?» improvisé-je sous le coup du choc, me sentant déjà en minorité.
« Non Madame, pas du tout. Je les aime, je les encourage, je les soutiens, elles me fascinent. Je suis subjugué par leur force et leur courage. Après tout ce qu’il s’est passé, tout ce sang versé. Elles n’ont pas peur, elles n’ont pas froid aux yeux. Chacun doit être libre de faire ce qu’il veut.
Moi, je viens d’un village. Là-bas chez moi, c’est pareil. Elles ont tout notre respect. Pourvu qu’ils laissent les gens tranquilles. »

 

« Monsieur, que pensez-vous de toutes ces femmes qui sortent ainsi ? »

« Ah ! Madame ! Mais elles sont si courageuses ! Nous, les hommes, nous les soutenons sans hésitation. Et n’allez pas penser que ça s’arrête aux confins de cette ville. Moi, je viens d’un village. Là-bas chez moi, c’est pareil. Elles ont tout notre respect. Pourvu qu’ils laissent les gens tranquilles. Il y a encore un mois et demi, nous, les chauffeurs de taxi, nous recevions des SMS nous priant poliment de demander à nos clientes de respecter le hijab. C’était affreux. Qui suis-je, moi, pour remettre à l’ordre une femme qui rentre dans mon taxi ? Vous imaginez ? C’était tellement embarrassant. Une fois, une jeune fille est montée et je lui ai expliqué qu’ils nous retirent notre permis de circulation s’ils nous attrapent avec leurs caméras chinoises. Que ma demande n’a rien à voir avec mes opinions personnelles. Elle a été coopérative, par gentillesse et compassion. Vous comprenez, j’ai une famille à nourrir moi ! »

 

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uer au nom d’un islam théocratique. Il pointe du doigt un sentiment de dépossession de soi que la révolte brute et nue parvient à faire surmonter là où l’acte d’ôter le foulard remet frontalement en cause l’hégémonie illégitime du régime théocratique » 139. Elles franchissent ainsi l’une des deux lignes rouges immuables du régime car liée à la légitimité du pouvoir iranien, la deuxième étant la personne et la fonction du Guide suprême.

 Ils sont « dans un rapport de coopération contre un ennemi commun qui est l’État théocratique, c’est-à-dire un État qui veut détruire la société au nom de principes islamiques de plus en plus rigidifiés, qui ne sont pas les principes traditionnels de l’islam mais frottés de ceux du totalitarisme moderne pour légitimer un État autocratique. » Serait-ce un refus commun de l’apartheid du genre, une résistance à la tradition familiale, à la désécularisation de la société par le régime islamique ? Assiste-t-on à l’annulation des effets de l’endoctrinement de l’école en Iran grâce à la socialisation de cette troisième génération avec la diaspora iranienne à l’étranger ? « Le système de l’éducation nationale a été bâti sur la destruction de l’image de la femme comme être autonome. Par conséquent, les jeunes filles et les femmes qui actuellement sont dans la rue avec de jeunes hommes sont celles qui étaient censées être endoctrinées par ce système fermé qui refuse l’indéniable modernité des jeunes femmes. » note Farhad Khosrokhavar 140. Les slogans « Femme, Vie, Liberté » et « Homme, Patrie, Prospérité » se répondent dans de nombreuses manifestations.

 

Photos prises lors de l’exposition « Donner à voir leur voix : les femmes iraniennes s’affichent » au Centre Pompidou qui a montré les 100 posters sur ses coursives en mars-avril 2023.

Retrouver l’article complet dans le blog Humanit’Elles, Suivre sur le portail de ressources sur les femmes et l’identité de genre sur X : @humanitelles