Lettre ouverte aux présidents de groupes à l’Assemblée Nationale, hors le groupe Rassemblement National
Madame la Présidente, Monsieur le Président
Je souhaite vous interpeller sur la situation des étudiants étrangers ayant fui l’Ukraine et qui se heurtent sur notre territoire à un mur administratif difficilement acceptable.
Le 3 mars dernier à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine, le conseil des Ministres de l’intérieur de l’UE décidait d’actionner la directive de protection temporaire à l’égard des personnes de nationalité ukrainienne et de leurs conjoints. Le 10 mars 2022, le gouvernement de Monsieur Castex la mettait en œuvre sous la forme d’une instruction prise par les ministres concernés pour une durée d’une année avec une interprétation stricte, excluant de fait du bénéfice de cette protection, les étudiants de nationalité étrangère résidant en Ukraine avant le 24 février.
Le motif juridique invoqué est de dire que les pays d’origine de ces étudiants n’étant pas en guerre, les personnes concernées peuvent rentrer chez elles sans difficultés. Il est à noter que tous les pays de l’UE n’ont pas forcément adopté une lecture aussi restrictive de la directive.
La gestion de ce dossier a été confiée aux préfets à l’échelle de chaque département alors même que les services des préfectures sont débordés et ne peuvent répondre aux besoins qui se manifestent chaque jour pour le simple renouvellement de titre de séjour. Aujourd’hui les préfectures délivrent des OQTF à ces jeunes gens, refusent parfois de les recevoir, suggèrent également de passer par la voie de l’asile.
Soutenu par la Fondation de France, depuis plus de deux mois nous recevons à France fraternités ces étudiants, récoltons des témoignages des associations qui les hébergent, enregistrons leur inquiétude et tentons de les aider. Beaucoup d’entre eux sont francophones, maitrisent plusieurs langues, possèdent un excellent niveau de formation et sont à une ou deux années de terminer leurs études dans des domaines divers. Ils ont acquis des compétences certaines qui peuvent être utiles à notre pays.
Pour la plupart, ils ne repartiront pas, parce que le choix de l’Ukraine a d’abord été un choix d’opportunité économique combinant qualité des études, accès peu onéreux à un logement et grande facilité d’accès à un emploi d’appoint.
Ils ne repartiront pas parce qu’ils ne peuvent renoncer au projet professionnel qui est le leur, et qui a été construit à l’aide de rudes sacrifices consentis par leurs familles
Si je m’adresse à vous, aujourd’hui, au nom de France Fraternités, c’est que nous pensons utile de faire évoluer l’interprétation que la France fait de cette directive, de permettre sa réécriture partielle afin d’examiner à minima au cas par cas les situations de chaque étudiant-e. La multiplication de situations inextricables sur notre territoire du fait d’une interprétation restrictive et inadaptée d’une directive ne peut être une option pour la République. Nous demandons en conséquence aux membres de votre groupe de vous saisir de cette situation et d’utiliser l’ensemble des moyens et des outils que le parlement vous offre, pour interpeller le gouvernement sur la situation ainsi créée et permettre son évolution.
Je vous prie d’agréer, Mesdames, Messieurs, mes salutations respectueuses et cordiales.
Pierre Henry
Président France Fraternités