Burçin Mutlu-Pakdil, l’astrophysicienne qui a découvert un nouveau type de galaxie

Cette astrophysicienne d’origine turque a donné son nom à une galaxie rare qui présente deux anneaux et est située à plus de 350 millions d’années-lumière de la Terre.

L’astrophysicienne Burçin Mutlu-Pakdil a grandi en Turquie. Enfant, elle aimait regarder les étoiles dans le ciel. Elle ignorait encore qu’un jour, grâce à ses compétences scientifiques, une galaxie située à 359 millions d’années-lumière de la Terre porterait son prénom.

article publié sur le site nationalgeographic.fr , le 28 1 2 018  

La passion de Burçin Mutlu-Pakdil pour l’astrophysique est née lorsque, au collège, elle dut faire un devoir sur une personne intéressante.

« J’ai demandé à ma sœur sur qui je pourrais faire mon devoir et elle m’a suggéré Einstein, parce que c’était l’homme le plus intelligent au monde », se souvient l’astrophysicienne. Elle se plongea alors immédiatement dans les livres de physique et devint obsédée par le fait de comprendre l’Univers. Elle décida de faire des études de physique : c’est à ce moment que des obstacles commencèrent à se mettre en travers de sa route. Tout d’abord, elle dût quitter Istanbul, sa ville natale, pour Ankara.

« Même si ma famille soutenait ma décision et m’encourageait à suivre ma passion, des amis et des proches disaient que les filles n’avaient pas à quitter la maison pour étudier », confie Burçin Mutlu-Pakdil. Sa décision de déménager pour étudier les sciences fut même remise en cause par un professeur à l’Université. Sans surprise, Burçin était l’une des rares étudiantes de sa classe.

« En tant que femme qui étudiait la physique, j’avais l’impression de ne pas être à ma place. J’ai appris à ne pas accorder d’importance aux commentaires et à uniquement me concentrer sur ma passion. » À l’époque, en Turquie, les femmes qui allaient à l’université n’avaient pas le droit de porter le voile. Aujourd’hui, cela est révolu.

« Je portais des chapeaux et j’essayais de trouver comment me couvrir la tête, mais c’était déconcertant. Je devais déjà affronter les préjugés parce que j’étais une femme qui étudiait les sciences. En me forçant à changer ma tenue, on m’obligeait à être quelqu’un que je n’étais pas. »

Bien qu’elle eut à gérer de nouvelles différences culturelles à son arrivée aux États-Unis pour son Master à l’Université Texas Tech, puis à l’Université du Minnesota-Twin Cities où elle fit un doctorat en astrophysique, elle trouva l’environnement plus accueillant.

« J’étais dans un nouveau pays et de nombreuses choses étaient différentes. Mais comme j’étais moi-même et que je pouvais m’habiller comme je le voulais, j’étais plus heureuse, et ce même si les autres problèmes n’étaient pas résolus. »

DÉCOUVERTE DE LA GALAXIE DE BURCIN

Désormais associée de recherche postdoctorante à l’Observatoire Steward de l’Université de l’Arizona, Burçin Mutlu-Pakdil analyse les données collectées par des télescopes pour tenter de résoudre les mystères de l’Univers, et plus particulièrement la formation et l’évolution des galaxies au fil du temps.

Il existe environ mille milliards de galaxies connues dans l’Univers et la plupart d’entre elles sont des galaxies spirales, à l’instar de la Voie lactée, celle dans laquelle nous vivons. Si de solides théories entourent l’évolution des galaxies les plus communes, Burçin Mutlu-Pakdil confie que les galaxies rares intéressent particulièrement les astronomes qui cherchent à comprendre l’évolution cosmique. (À lire : Découverte d’une galaxie sans matière noire (ou presque))

Sur cette photo prise par le télescope spatial Hubble, l’objet de Hoag et sa forme rare en anneau brillent dans la pénombre de l’espace.

Nommé d’après Arthur Allen Hoag qui l’a découvert en 1950, l’objet de Hoag est l’une de ces galaxies rares. Il s’agit du premier exemple connu d’un type de galaxie à anneau qui se caractérise par un anneau lumineux constitué de jeunes étoiles bleues entourant un noyau central symétrique composé d’étoiles plus âgées, sans qu’aucun lien ne soit visible entre ces deux éléments. Ces types de galaxies extrêmement rares représentent moins de 0,1 % de l’ensemble des galaxies observées.

La première fois que Burçin Mutlu-Pakdil et son équipe ont vu la petite galaxie PGC 1000714, ils pensaient qu’il s’agissait là d’une galaxie de type Hoag et étaient très heureux de leur découverte. Mais en étudiant avec plus d’attention PGC 1000714, l’astrophysicienne fut surprise de voir que cette galaxie rare cachait quelque chose.

« Entre l’anneau extérieur bleu et le noyau central rouge, nous avons découvert un anneau interne diffus de couleur rouge qui entourait le noyau », explique-t-elle. « Nous étions en train d’observer une galaxie qui n’avait jamais été vue auparavant. »

Ce corps céleste fut baptisé galaxie de Burçin et les astronomes essaient désormais de résoudre le mystère intriguant qui entoure la formation d’un objet si étrange. Si chez les galaxies de type Hoag, le noyau central rouge est plus vieux que l’anneau extérieur bleu, pour la galaxie de Burçin, l’anneau interne supplémentaire est le plus vieux et se serait donc formé en premier.

RÈGLE DE VIE

Burçin Mutlu-Pakdil et son équipe continuent d’étudier cet objet intriguant. L’astrophysicienne espère que son travail et son histoire serviront d’inspiration à d’autres immigrants et étudiants, en particulier à ceux qui appartiennent à des minorités.

« Lorsque je suis invitée dans des écoles ou que des gens me contactent sur les réseaux sociaux, je veille à toujours mettre l’accent sur le fait qu’il ne faut pas bloquer sa curiosité scientifique à cause de pressions externes », confie-t-elle. « Même si le voyage n’est peut-être pas facile, il faut suivre sa passion. »

Burçin Mutlu-Pakdil a été approchée par un éditeur pour écrire un livre sur son vécu en tant qu’astrophysicienne. En 2018, elle est devenue membre des conférences TED.

« La plateforme m’a donné une voix et une présence que je n’aurais jamais imaginées pour moi. » Alors qu’elle se préparait pour sa conférence TED, elle la présenta tout d’abord à ses amis, qui lui annoncèrent qu’elle était difficile à comprendre. « J’ai fait plusieurs brouillons ; j’ai procédé par tâtonnements jusqu’à ce que je parvienne à faire passer les informations que je voulais partager sans qu’elles soient trop techniques. », déclare-t-elle.

« Cela s’applique aussi dans la vie réelle », ajoute l’astrophysicienne. « Vous pouvez ne pas obtenir le résultat attendu dès la première tentative. À chaque fois que vous échouez, vous vous relevez et vous réessayez. Vous finirez par y arriver. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.