Philosophe rationaliste et humaniste, André Comte-Sponville a contribué à élargir l’audience de la philosophie avec des livres comme Le Petit Traité des grandes vertus (PUF, 1995) ou le Dictionnaire philosophique (PUF, 2013). Sa bibliographie contient une trentaine d’ouvrages. Dans cet entretien consacré a la place de la laïcité dans le sport (voir lien en fin d’article), il livrait encore une fois sa vision de la la laïcité
« La laïcité n’est ni l’athéisme ni l’irréligion, encore moins une religion de plus. Elle n’est pas une croyance, ni une incroyance, mais une volonté : celle de vivre ensemble, pacifiquement et librement, quelle que soit la religion ou l’irréligion des uns et des autres. Cela suppose une loi commune, qui ne soit pas celle de Dieu – puisque tous n’y croient pas, ni tous les croyants au même – mais celle du peuple souverain. C’est en quoi démocratie et laïcité vont ensemble. Si le peuple est souverain, il est exclu que Dieu, politiquement, le soit. Cela n’empêche évidemment pas les individus de pratiquer librement leur religion, s’ils en ont une, ou plutôt c’est ce qui leur en garantit le droit.
Un État laïque, parce qu’il n’a pas de religion, n’en impose ni n’en interdit aucune. Il reconnaît la liberté de culte, comme le droit de les récuser tous. Il protège la liberté d’opinion et d’expression, dans les seules limites prévues par la loi. Il n’est pas contre les religions ; il est indépendant vis-à-vis d’elles, comme elles le sont vis-à-vis de lui. Tel est le sens, dans notre pays, de la loi de 1905, qui opère la séparation des Églises et de l’État. L’Église catholique, qui s’y était d’abord vivement opposée, a fini par s’y rallier, comme aujourd’hui la plupart des institutions religieuses. C’est une grande victoire pour les laïques, sans être pour autant une défaite pour aucun démocrate.
Il est peu de lois, en France, qui fasse l’objet d’un tel consensus, et c’est tant mieux. Loi de tolérance et de paix. La laïcité n’est pas le contraire de la religion. Elle est le contraire, indissociablement, de la théocratie (qui voudrait soumettre l’État à une religion), du totalitarisme (qui voudrait soumettre les consciences à l’État), et du fanatisme (qui voudrait s’imposer par la violence). Trois raisons de la protéger, comme la prunelle de nos yeux ! »
André COMTE-SPONVILLE
philosophe, écrivain, enseignant, membre du FondaCtion