Tabassé par un voleur, un adolescent de Vitry (Val-de-Marne) a été sauvé par des travailleurs maliens du foyer Manouchian. L’agresseur devait être jugé rapidement
article par Denis Courtine oublié sur le site leparisien.fr, le 23 07 2020
En apparence, c’est le coup facile. Une rue plutôt lugubre, quasiment que des entreprises aux alentours, et une victime comme on en rêve. En observant, ce mardi, cet adolescent tout frêle qui marche en direction du RER des Ardoines à Vitry (Val-de-Marne), ce voleur de 20 ans, déjà connu de la police pour des affaires de stupéfiants et de dégradations, se voit déjà avec un nouveau téléphone et des écouteurs dernier cri. Mais ça, c’était sans compter sur les travailleurs maliens.
Alors qu’il tabassait sa victime, l’agresseur a été neutralisé par les immigrés. Un peu plus que «neutralisé» pour être franc. Quand les policiers sont arrivés, le voleur passait un sale quart d’heure. A tel point que pour lui, son interpellation s’apparentait peut-être davantage à une libération. Placé en garde à vue dans la foulée, il devait être jugé ce jeudi soir lors de sa comparution immédiate au tribunal correctionnel de Créteil.
Ce mardi peu après 15 heures, Touré passe le temps devant le foyer de l’avenue Manouchian. Près de 800 travailleurs immigrés, en grande majorité Maliens, vivent dans ce bâtiment vieux de plus de 50 ans et promis à une démolition/reconstruction sans cesse reportée.
«Je me suis dit il va le tuer !»
L’agresseur remonte en marchant l’avenue. «Il avait l’air dans un état normal», se souvient Touré. En tout cas, rien ne l’interpelle dans l’attitude du jeune. Ce qui l’interpelle en revanche, ce sont des cris quelques secondes plus tard. Ceux d’un adolescent de Vitry âgé de 17 ans. Touré lève les yeux. «Le type avait coincé le gamin. Il n’arrêtait pas de le frapper. Je me suis dit il va le tuer !»
Deux travailleurs maliens qui se trouvaient là n’hésitent pas une seconde. Ils foncent secourir la victime qui ne s’est pas laissé faire. Le lycéen s’est fait arracher ses écouteurs mais pas question d’abandonner son portable. Il se retrouve à terre et se prend des coups de pied de l’agresseur.
Un premier immigré lui tombe dessus. «Un costaud», sourit Touré. De toute façon, les renforts arrivent. Cinq autres pensionnaires du foyer sont déjà en train de sprinter. «Attrapez-le!» hurle-t-on du foyer Adef.
L’agresseur d’Alfortville (Val-de-Marne) réalise qu’une retraite stratégique s’impose. Trop tard. Alors qu’il essaye de se faufiler, il est la cible d’un tacle glissé parfaitement exécuté à même le bitume.
L’agresseur «a demandé pardon plusieurs fois
Que se passe-t-il après ? On ne sait pas précisément. Mais ces secondes-là ont dû sembler assez longues à l’agresseur. Une chose est sûre, avant même que les policiers de la brigade anti-criminalité n’arrivent, «il a demandé pardon plusieurs fois», se marre Touré.
Malgré les suppliques, les secouristes ne relâcheront pas le jeune homme avant que les fonctionnaires lui passent les menottes. «Je ne comprends pas qu’on puisse taper un gamin pour un simple téléphone, c’est n’importe quoi», peste encore ce jeudi matin un des pensionnaires du foyer.
En tout cas, l’adolescent, qui habite le secteur et qui partait voir des copains à Paris, doit une fière chandelle aux immigrés. Car, malgré la rapidité de l’intervention, les coups qu’il a reçus ont été très violents. Il souffre de multiples fractures, notamment au nez, ainsi que d’autres blessures au niveau du visage. Un médecin lui a prescrit dix jours d’incapacité totale de travail.
La mère de la victime veut les remercier
«Il risque d’être marqué», nous confiait ce jeudi soir sa mère qui l’accompagnait au tribunal. Et de souligner le courage des Maliens qui sont venus au secours de son fils : «On est vraiment reconnaissants parce que sans eux, on ne sait pas comment cela se serait terminé. Je suis contente parce que ça peut aussi changer l’image de ces hommes que certains considèrent comme des rebuts. Moi j’ai vécu en Afrique. Je veux les remercier.»
L’agresseur n’était pas très bavard lors de sa garde à vue. Lors de sa deuxième audition devant les enquêteurs du commissariat de Vitry, il a fini par reconnaître qu’il avait bien porté plusieurs coups à l’adolescent. Il a expliqué qu’il cherchait à financer sa consommation de stupéfiants.