Pour quelques jours encore, il dort au chaud dans un hôtel bon marché à Herblay (Val-d’Oise). Mais il se pourrait bien que, dès la semaine prochaine, Mohamed doive revenir dormir dans une voiture garée sur le parking du centre commercial Carrefour du Plateau, à Sartrouville (Yvelines).
article par Maxime Fieschipublié sur le site leparisien.fr; le 9 10 2019
Depuis vendredi, cet Mohamed, 51 ans, malade et SDF, a pu profiter de quelques nuits d’hôtel grâce à une vague de solidarité née sur les réseaux sociaux après que Sofiane Zekri, un trentenaire bien connu dans le quartier, a lancé l’alerte.
Il y a un peu plus d’une semaine, après avoir découvert que Mohamed dormait sur le parking depuis six mois, Sofiane a posté une vidéo sur le réseau social Facebook.
Sa situation révélée par une vidéo sur Facebook
« C’est une honte, s’insurgeait-il. Ce n’est pas normal que quelqu’un de chez nous, un enfant de Sartrouville, se retrouve à vivre dans une voiture depuis plus de six mois alors qu’il souffre de la maladie de Parkinson. Honte à nous. Honte à tous ceux qui passent devant lui et qui lui tournent le dos. »
le dos. »
Cette vidéo a déclenché un grand élan de solidarité dans le quartier
Cette vidéo a déclenché un grand élan de solidarité dans le quartier de La Marinière et au-delà, dans tout le Plateau. Sofiane est revenu régulièrement voir Mohamed, vite accompagné ou rejoint par d’autres habitants, des grands frères, des mamans…
« Tous ces gens qui se sont bougés pour moi, ça m’a réchauffé le cœur, témoigne le SDF. Le matin, certains passaient m’apporter un petit café chaud, discuter avec moi, me donner des vivres, des couvertures, des vêtements… »
«Les gens ont arrêté de tourner le regard en me croisant»
Sartrouville, jeudi dernier. Des dizaines d’habitants du quartier du Plateau ont décidé de venir en aide à Mohamed, qui vit dans une voiture depuis six mois. DR.
Au fur et à mesure, les soutiens se sont faits de plus en plus nombreux. Tout le monde s’est mis à prendre de ses nouvelles, à s’inquiéter de son état, à le soutenir et lui apporter de quoi subsister. « Je remercie vraiment Sofiane, insiste Mohamed. Grâce à lui, les gens ont arrêté de tourner le regard en me croisant. »
« C’est allé super vite, se félicite Sofiane. Des gens de la cité ont immédiatement donné de l’argent. Quelques personnes se sont cotisées pour lui payer ces nuits d’hôtel. Des dames passent régulièrement le voir pour lui apporter des repas chauds qu’elles préparent. »
En parallèle, une cagnotte Leetchi a été créée sur laquelle on compte pour l’heure 195 €. Une somme relativement faible mais à laquelle s’ajoutent une foule d’autres initiatives et des dons qui arrivent directement jusqu’à Mohamed.
Une mobilisation jusqu’à Marseille
Sur le terrain, les dons en nature continuent d’affluer. Des gestes touchants et généreux se succèdent. Une habitante de Marseille (Bouches-du-Rhône) ayant eu vent de cette situation s’est même branchée sur Internet pour faire une commande dans un Carrefour Drive voisin. Une autre dame lui apporte de quoi manger en prenant plusieurs fois par semaine sa petite voiture électrique depuis Chatou.
Sofiane a laissé à Mohamed une voiture plus grande pour « ranger tous les vêtements et toute la nourriture que les gens ont donnés ». D’autres habitants ont accepté de payer du gazole, afin qu’il puisse brancher le chauffage de la voiture pendant les nuits passées sur le parking.
Avec une petite partie de l’argent déjà récolté, Mohamed a pu se payer un petit téléphone et un abonnement bon marché. « Cela va lui permettre d’être joignable, explique Sofiane. Et de faire les démarches dont il a besoin. »
Des démarches pas aisées. Peu à peu, au fur et à mesure de ses déménagements de foyer pour travailleurs en foyer pour travailleurs, puis d’hôtel en hôtel, il a fini par égarer ses papiers.
Avec son taux de handicap bloqué depuis plusieurs années à 80 % – « alors que je suis certain que ma maladie a progressé », grimace-t-il, sa demande de logement… « Je ne peux plus m’en occuper car j’ai tout perdu, les dossiers se sont éteints doucement. Mais depuis cette vidéo, des gens sont venus me voir pour me proposer de tout reprendre à zéro avec moi, de m’aider à recommencer les démarches. »
Des démarches engagées pour avoir un logement
Un logement. La première des priorités pour lui avant de s’occuper de son état de santé. « Il me faut un toit, un vrai toit, réclame-t-il. Je sais que, parfois, les crises provoquées par ma maladie font peur aux gens. Par le passé, cela m’a valu des problèmes de voisinage mais je veux vraiment retrouver un logement. »
« C’est effectivement un besoin primordial pour lui, concède Emmanuelle Aubrun, adjointe au maire de Sartrouville en charge des affaires sociales. J’ai déjà reçu ce monsieur pour évoquer sa situation et il bénéficie d’ailleurs d’un Droit à hébergement opposable selon les services de l’Etat qui lui cherchent une solution. C’est néanmoins un point assez complexe à résoudre compte tenu de son état de santé et de ses difficultés sociales. »
En revanche, assure-t-elle, « avec le soutien du conseil départemental et s’il est disposé à l’accepter, nous avons les moyens de lui faire rencontrer rapidement un médecin qui pourra faire un point avec lui sur son état de santé et l’aiguiller vers des spécialistes ou des structures qui pourraient lui venir en aide ».
Pour l’heure, Mohamed « attend de voir comment les choses vont évoluer » et s’apprête à retourner sur son parking quand il ne pourra plus rester dans l’hôtel. « Je remercie du fond du cœur tous ces gens pour leur générosité, leur sympathie et leur gentillesse, ne cesse-t-il de répéter. Tout cela m’a redonné espoir en l’avenir. »